Une fois n'est pas coutume, au club de sciences du lycée Théodore-de-Banville, à Moulins (Allier), les filles sont majoritaires. Emma Champomier et ses camarades du club, la plupart en classe de première, ont préparé les Olympiades scientifiques de l’Union européenne.
À Nancy, le 2 février, seule Emma, qui avait gagné sa place parmi les 11 sélectionnés, sur 453 élèves issus de 51 lycées de toute la France, a concouru à la finale nationale, dans la catégorie sciences et vie de la terre. L'enjeu ? Tenter de décrocher une place aux Olympiades européennes qui se tiendront en Lettonie au printemps.
Mais parce que Charlyne Donel, Gabin Beaufrère, Briseis Méhée, Ayat Abdelloui, Rémy Ernd, Killian Dassaud, Méline Bay, Maëline Afiabegnigban, Justine Crétois et Paul Bergeret, voulaient finir cette aventure tous ensemble, ils ont continué, en dehors des heures de cours - avec le soutien de la proviseure de l'établissement, Lydia Advenier -, les préparations avec leur enseignante, Sandra Dubest Bourion, agrégée de Sciences et vie de la terre.
Les sciences, c'est aussi une affaire de femmes : regards croisés d'une enseignante et d'une collégienne à Moulins
Sandra Dubest Bourion, agrégée de SVT au lycée Banville encadre de club sciences. Corentin GaraultAu final, Emma, "confrontée à des délégations très masculines", ne s'est pas laissée impressionner : elle s’est classée parmi les meilleur(e)s de France, sans se qualifier pour la finale européenne. "Ce soutien m’a donné beaucoup de force pour les trois heures de travaux pratiques de l'épreuve, qui portaient sur l’origine des abeilles et ses maladies. Le sujet parcourait plein de domaines comme la biochimie moléculaire."
"La génération qui fera évoluer les mentalités"Avec leur enseignante, tous les élèves l’assurent : "La préparation était ludique, dans une ambiance qui l’était aussi. On y a pris du plaisir, et on a acquis beaucoup de connaissances, on a fait beaucoup de manipulations, comme des dissections, qu’on n’aurait pas vu en classe entière. En préparant ce concours, on avait tout à gagner. On espère que cela donnera envie à d’autres, d’y participer." À d’autres jeunes filles notamment, les filières scientifiques étant encore trop boudées par les adolescentes. Alors Emma espère "qu’on sera la génération qui fera évoluer les mentalités".
Charlyne ajoute : "Nos profs nous encouragent pour qu'on ne ressente pas de différence entre filles et garçons, pour qu'on ait conscience, que nous les filles, on a toutes nos chances."
Les élèves regrettent que les femmes scientifiques soient encore rares, dans les manuels scolaires. Photo Corentin GaraultSandra Dubest Bourion s’attache à faire découvrir à ses élèves un maximum de référents féminins, dont "le nom n’est pas toujours resté, comme la femme d’Einstein, qui l’a beaucoup aidé dans ses recherches pour la formule E = mc²". L’enseignante, dont le leitmotiv, est "rigueur et fun", aime aussi à citer la réponse de Marie Curie, à qui on demanda : "- Qu’est-ce que cela fait d’épouser un génie ? -Allez donc demander à mon mari."
Quels modèles scientifiques féminins ?Une bonne partie de l'équipe du club sciences qui se retrouvent chaque semaine, en dehors des heures de cours. Deuxième à gauche, Emma, qui est allée jusqu'à en finale nationale. Photo Corentin GaraultÀ quels modèles scientifiques féminins s’identifier, pour ces adolescents qui envisagent des carrières médicales notamment ? "Notre prof ! Elle nous apprend les bases dans plein de domaines, comme sur la génétique, ses cours sont vivants et imagés. C'est du concret ! Elle nous communique sa passion."
Et de citer Marie Curie, Françoise Barré-Sinoussi (prix Nobel pour avoir découvert le virus du Sida), Ada Lovelace, première codeuse de l’Histoire. "Ma tante, médecin généraliste", répond Rémy.
Dans ce club, l'entraide est le mot clé. Photo Corentin Garault
Si leur choix d'études post-bac n'est pas encore arrêté, plusieurs pensent tout haut à des études de médecine. Mais certaines jeunes filles confient à demi-mot :
"On sait qu’on devra donner plus, prouver plus de choses que certains."
Et ajoutent : "Ce ne sont pas seulement les filles qui doivent s’intéresser aux sciences ! Mais tous les élèves, car il y a un déficit en France sur les filières scientifiques. À quoi ça sert ? Par exemple, à savoir ce qu’on prend comme médicaments, ce qu’on met dans son corps et d’où ils viennent."La bonne humeur n'empêche pas la rigueur. Photo Corentin GaraultSandra Dubest Bourion, ancienne chercheuse en génétique, qui a choisi d’enseigner, "parce que c’était dans son ADN", insiste bien sur l'accessibilité des Sciences de la vie et de la terre, et sur leur intérêt, bien au-delà de la discipline :
"Dans l’Antiquité, les chercheurs faisaient des sciences et de la philosophie. La philosophie est indispensable, directement reliée aux sciences. Les grandes questions 'D’où venons-nous, où allons-nous ?', c’est de la science et de la philosophie."
De quoi séduire de futures recrues ?
Ariane Bouhours