La libération de la parole des femmes se poursuit dans le milieu du sport. Isabelle Demongeot, l’une des premières sportives à avoir, en 2007, osé dénoncer les violences sexuelles dont elle était victime, observe certaines avancées. Même si "le chemin est encore long".
Parmi les adjectifs pouvant qualifier Isabelle Demongeot (tenniswoman professionnelle dans les années 1980 et 1990), il y a "championne". Elle, se dit "survivante". L’ex-numéro deux du tennis féminin français a profité de son passage dans le département de la Creuse pour parler tennis avec des collégiens. Mais aussi pour revenir sur Service volé, un téléfilm retraçant son combat en tant que victime de violences sexuelles. Elle a accepté de revenir sur la libération de la parole dans le milieu du sport et sur son rôle dans la lutte contre les violences faites aux femmes au sein de la Fédération française de tennis.
De l’extérieur, nous avons l’impression que de plus en plus de voix se libèrent dans le milieu du sport. Ressentez-vous ce changement ?
Nous nous en sommes rendus compte avec l’affaire Sarah Abitbol (en 2020, la patineuse Sarah Abitbol accuse son entraîneur Gilles Beyer de viol, d’attouchements et de harcèlement sexuel, entre 1990 et 1992, alors qu’elle était âgée de 15 à 17 ans, NDLR). Ça a commencé par là et, enfin, on se préoccupe de la question des violences sexuelles. L’ancienne ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a aussi fait la différence. Elle a beaucoup travaillé sur ces questions.
Comment expliquer cette libération dans le milieu du sport ?
La différence avec avant, c’est qu’aujourd’hui, on croit les victimes. Au moment où Sarah Abitbol écrit son livre, il n’y a pas de doutes sur ce qu’elle dit. Entre temps il y a eu #MeToo qui a certainement aidé. Quand nous, plus tôt, on a parlé de notre affaire (en 2005, Isabelle Demongeot et plus de vingt autres joueuses portent plainte pour viol contre leur entraîneur Régis de Camaret, NDLR), personne ne nous croit. Il y a eu une omerta incroyable. La préface de mon livre (Service volé, 2007) a été écrite par Yannick Noah. Un texte dans lequel il dit : "Je suis derrière Isabelle. On a vraiment merdé." Tous les autres me croisaient et baissaient les yeux.
Aujourd’hui, votre combat est reconnu...
Le téléfilm adapté de mon livre a fait apparaître le combat aux yeux de beaucoup. Certains ont préféré se taire. D’autres se sont excusés comme Jean-François Vilotte, l’ancien directeur général de la Fédération française de tennis.
Fédération qui, d’ailleurs, vous a confié en 2022 une mission de lutte contre les violences sexuelles...
C’est-ce que j’appelle "la réparation". Enfin, la fédération me tend la main et me permet de réintégrer la famille du tennis.
Comment vous abordez les choses, vous, pour lutter contre ces violences ?
C’est un sujet dense. Moi, j’ai envie d’avancer. Alors, on propose beaucoup de choses à la fédération. Dans un premier temps, je suis convaincue du travail des psychologues, sociologues… Mais je pense qu’ils doivent être couplés à la parole d’une victime. C’est du concret. Puis il y a aussi tout le volet sensibilisation. Auprès des parents, des enfants. Parce qu’une fois qu’ils apprennent les signes avant-coureurs, les situations… Ils se sauvent pour la vie et sauvent d’autres vies à côté…
Mais les parents sont toujours plus compliqués à cibler. Il y a trop de parents qui déposent leurs enfants sans savoir qui est le professeur ou qui font confiance les yeux fermés. On n’a plus le droit de mettre nos enfants en situation dangereuse. On se méfie, on anticipe. En tout cas, c’est un sujet qui mérite d’être travaillé. Mais le chemin est encore long. Il y a du boulot, il faut aller vite.
Propos recueillis par Léo Candas