"Une reprise à la hausse des indicateurs grippe est toujours possible au cours des prochaines semaines". C’est ce qu’écrivait Santé Publique France le 18 janvier. L’agence nationale de santé avait vu juste. L’épidémie de grippe a connu un repli en janvier dernier. Mais, après quatre semaines consécutives de baisse, elle est repartie à la hausse depuis trois semaines.
Cette augmentation des contaminations concerne neuf des treize régions métropolitaines, particulièrement en Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui fait partie, avec Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie, des régions les plus touchées. En métropole, seuls la Normandie et les Hauts-de-France apparaissent en phase "post-épidémique" lors de laquelle la sortie de l’épidémie est envisageable à court terme.
La hausse est toutefois moins forte que les semaines précédentes, a expliqué ce mercredi 15 février Santé Publique France dans son bilan hebdomadaire portant sur la semaine 6. La semaine dernière a été marquée par une "poursuite de l’augmentation de tous les indicateurs de la grippe dans toutes les classes d’âge mais moins marquée" que la semaine précédente, a résumé l’agence de santé publique.
La "circulation virale est surtout entretenue par les jeunes qui sont peu ou pas vaccinés", relève l’infectiologue Benjamin Davido auprès de L’Express. "Cette saison, on assiste à deux vagues de grippe car l’épidémie a particulièrement commencé tôt. La circulation a été plus longue et plus soutenue cet hiver, alors que si la circulation du virus se fait sur un temps plus court, cela ne laisse que peu de place à une deuxième vague", expose le directeur médical référent Covid-19 à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine). Surtout, Benjamin Davido note que la levée des gestes barrière en raison de l’accalmie sur le front de l’épidémie de Covid-19 permet à des "agents infectieux", comme la grippe, de trouver un terrain plus propice à sa propagation.
L’épidémie a été notamment relancée par l’expansion d’une nouvelle souche, dite de type B/Victoria. Celle-ci est à l’origine d’une "bouffée épidémique sporadique", estime Benjamin Davido, alors que la souche A (H3N2), la première à avoir frappé, dispose "d’un plus fort taux de transmission". "La part relative du virus de type B/Victoria progresse en ville mais les virus de type A sont toujours présents. A l’hôpital, les virus de type A restent majoritaires (57 % en semaine 6) avec une tendance récente à l’augmentation de la proportion de virus de type B", observe Santé Publique France.
"Il s’agit d’une deuxième vague" de grippe portée par le type B, considère Benjamin Davido. "C’est un peu comme l’émergence d’un nouveau variant", illustre-t-il. "La population a été surtout exposée à la grippe A, mais ce n’est pas parce que l’on a eu la grippe A que l’on est pour autant immunisé contre la grippe B", rappelle l’infectiologue. Il est donc possible d’attraper deux fois la grippe au cours de cet hiver, même si c’est peu fréquent.
A l’hiver 2017-2018, déjà, le type B de la grippe avait pris le pas sur le type A durant la semaine 5 de janvier, devenant ainsi majoritaire début février. "Nous sommes vraiment dans les mêmes conditions qu’en 2017-2018", insiste Benjamin Davido. L’épidémie de grippe observée cette saison "est un copier-coller de ce qu’il s’est passé" cinq ans plus tôt, constate l’infectiologue, avec une forte poussée des contaminations dès la fin novembre et le début décembre dans les deux cas.
A l’hôpital, les nombres de passages aux urgences et d’hospitalisations après passage étaient "en augmentation dans toutes les classes d’âge et plus particulièrement chez les 0-14 ans et les 65 ans et plus pour les hospitalisations, respectivement + 25 % et + 23 %", indique Santé Publique France. La part des hospitalisations pour grippe/syndrome grippal a "continué d’augmenter" entre le 8 et le 14 février, "passant d’un niveau d’intensité faible à modéré dans toutes les classes d’âge".
Cette saison, l’épidémie de grippe se caractérise aussi par une assez forte sévérité. "L’épidémie 2022-23, qui entrait dans sa 12e semaine en semaine 6, se caractérise par une sévérité marquée, particulièrement chez les 15-44 ans et les 45-64 ans", souligne-t-elle. Cette sévérité est plus importante que lors des épidémies 2019-20 et 2021-22, mais comparable à 2017-18, et inférieure à 2016-17 et 2018-19, précise Santé Publique France.
"Le rebond épidémique observé depuis la semaine 4, porté majoritairement par le virus B/Victoria, se traduit par un impact non négligeable en termes de sévérité (hospitalisations et décès), y compris chez les 65 ans et plus, mais moindre par rapport aux niveaux observés lors du pic épidémique fin décembre 2022", constate également l’agence.
Le 20 janvier dernier, avant même la reprise de l’épidémie de grippe, les autorités sanitaires avaient annoncé une prolongation jusqu’au 28 février de la campagne nationale de vaccination contre la grippe saisonnière. Une "bonne réponse", estime Benjamin Davido, qui plaide par ailleurs pour la vaccination des enfants contre ce virus. Cela pourrait être le cas à la fin de l’année 2023.
Le 9 février, la Haute autorité de santé (HAS) a en effet recommandé "que la vaccination contre la grippe saisonnière soit intégrée au calendrier vaccinal pour être proposée chaque année aux enfants sans comorbidité âgés de 2 à 17 ans révolus, sans la rendre obligatoire".
Concrètement, si cette proposition était retenue par le gouvernement, cela signifierait qu’à partir de deux ans, tous les mineurs pourraient se faire vacciner contre la grippe chaque année, comme c’est déjà le cas pour les personnes âgées de plus de 65 ans.
Pour appuyer l’intérêt individuel du vaccin chez les plus jeunes, la HAS insiste notamment sur le fait que les moins de 15 ans ont compté pour beaucoup dans les hospitalisations liées à la grippe lors des dernières épidémies. Cette proportion importante d’enfants hospitalisés est principalement due au fait que les plus âgés sont largement vaccinés, et donc moins enclins aux complications, plutôt qu’à une dangerosité particulièrement élevée des virus actuels chez les plus jeunes.