Ancienne formatrice en école de commerce, Christine Mallet a perdu le sens de son travail au moment de la pandémie de Covid, quand elle s’est retrouvée à donner des cours via un ordinateur, assise six heures par jour sur une chaise. Boulanger de formation, Axel Melhaa a pour sa part eu une « épiphanie » auprès d’un artisan boulanger de Bretagne qui ne faisait du pain que deux fois par semaine, ce qui lui laissait « le temps de s’occuper de ses trois enfants » et même « d’élever des poules ».
Une étable transformée en fournilAlors quand, par hasard, les deux se sont rencontrés dans une ferme, le « match » a été total.
« On avait envie des mêmes choses, sur le plan éthique, moral, et je dirais même presque spirituel »
C’est pourquoi le duo a acquis, il y a sept mois, le domaine du Moulin à Chamberaud. « D’une étable, on a fait un fournil », savoure la moitié masculine du binôme de boulangers paysans du Fournil des Saints, à propos de la grande bâtisse en pierre de taille qui fait face à la maison d’habitation. À l’intérieur de l’ancienne étable, le duo a fait construire un four à bois en terre cuite réfractaire, d’une surface de 14 m2 au sol. « C’est difficile de trouver des artisans, mais on a rencontré un maçon tailleur de pierres de Haute-Vienne qui a une expérience de construction de four à bois. »
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Le four d’Axel et Christine est rond, possède une voûte haute et permet de cuire à chaque fournée environ 80 kg de pain. Soit à partir de bois consumé directement dans la chambre haute du four, soit avec l’aide d’un « gueulard ». Cette bouche de métal constitue un orifice de communication entre le foyer et la chambre de cuisson et évite ainsi au boulanger ou à la boulangère d’avoir à débraiser le four avant d’y enfourner le pain. Un « travail très physique », témoigne Christine Mallet.
Modèle viablePour fabriquer son pain au levain, le duo se fournit en farine biologique auprès de deux fournisseurs à Eygurande, en Corrèze, à la frontière avec la Creuse. « Ce sont des paysans menuisiers qui cultivent des variétés paysannes et qui font leur mouture à la ferme, renseigne Axel Melhaa. Leurs blés sont très digestes, goûtus, nutritifs, avec un taux de minéraux élevé (*) » Christine Mallet en est convaincue : « Notre modèle est viable. Il était considéré comme ancien, mais c’est peut-être un modèle d’avenir. » D’un point de vue économique d’abord.
« La façon qu’on a de travailler fait qu’on n’est pas impacté par la hausse du prix de l’électricité, alors que certains boulangers menacent de fermer »
indique à titre d’exemple Axel Melhaa. Sur le plan écologique aussi, le pain au levain se défend. « Plus un pain se conserve et moins il y a de déchets. Si le pain sèche en 24 heures, ça part souvent à la poubelle », assure Christine Mallet dont les pains sont vendus notamment au marché et au collège d’Ahun, au marché d'Aubusson, à l’école élémentaire d’Ars ou encore dans des maisons d'hôtes, des restaurants. Dans le même esprit écoresponsable, le Fournil des Saints essaie de ne pas livrer de clients au-delà d’un rayon de trente kilomètres.
Lien socialLe duo veut aussi intégrer une dimension sociale à leur activité. « C’est un métier noble et qui a du sens. J’adore faire du pain, mais on a aussi d’autres aspirations », confie le jeune homme. Comme celle de créer du lien avec les clients. D’où le projet de café à l’étage du bâtiment qui abrite le fournil, mais aussi de restauration, à terme, du moulin. « On pourra organiser des visites, faire des stages de fabrication de levain », anticipe Christine Mallet. En somme, recréer du lien. (*) Indiqué avec la fameuse lettre T suivie d’un nombre. Plus il est élevé, moins la farine a subi de transformations.
Pratique. Les inscriptions pour assister à la soirée des Trophées des entreprises de la Creuse, qui aura lieu le 10 novembre à Guéret, sont encore possibles. Rendez-vous sur le site : https://meeting.gayakoa.com/TDE-23-2022
Daniel Lauretdaniel.lauret@centrefrance.com