Face à la journaliste Caroline Roux, le président de la République s'est exprimé sur de nombreux sujets au coeur des préoccupations quotidiennes des Français cet automne, mais aussi sur les défis de l'exécutif en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée.
Conclusion"Je veux un pays plus fort, pour être plus juste et plus apaisé. C'est mon cap matin, midi, et soir, et il n'y en aura pas d'autre", conclut Emmanuel Macron.
L'interview s'est finalement étirée sur près d'1h15, soit quinze minutes de plus que prévu.
Sur l'immigrationLe président de la République regrette qu'il y ait "trop d’arrivées et des procédures trop longues". Raison pour laquelle une "réforme profonde" devra être bouclée au premier semestre de 2023. Un "durcissement des règles" vis-à-vis des pays d'origine est également à venir, afin de "lutter contre l'immigration illégale".
"Nous devons réformer en profondeur nos lois pour pouvoir mieux accueillir ceux que l’on veut accueillir et pouvoir plus vite raccompagner [les autres] dans leur pays", insiste Emmanuel Macron, qui précise au passage qu'il "ne fera jamais un lien existentiel entre immigration et insécurité".
Cette mise au point fait écho à la polémique autour du profil de la meurtrière présumée de la jeune Lola, visée par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) non exécutée.
Sur la crise du système de santé"Nous n’avons pas assez de médecins à l’hôpital et dans nos villes, concède Emmanuel Macron. Avec le Ségur, nous avons augmenté les salaires comme cela n’avait jamais été fait, et investi massivement dans les hôpitaux. Malgré tous ces efforts, plein de soignants ont arrêté par découragement et lassitude."
Face à la baisse spectaculaire du nombre de généraliste, le chef de l'Etat annonce donc que "tous les médecins qui arrivent à la retraite" pourront, dès le premier jour de leur vie d'après, "continuer leur activité en gardant tous les revenus qui sont les leurs sans payer de cotisations retraites nouvelles".
"On va également donner plus de repsonsalités à nos kinés, à nos infirmières, à nos paramédicaux… pour organiser à l’échelle du territoire les bonnes solutions", dit-il.
Sur les voitures électriques"Les Chinois ont été beaucoup plus rapides que nous", reconnaît le chef de l'Etat.
Emmanuel Macron appelle à "réconcilier le climat, l’industrie et la souveraineté énergétique" en Europe. "Nous devons réserver les aides à nos producteurs et à nos solutions. Les Européens sont encore trop naïfs. Les Américains et les Chinois protègent leur industrie, et nous restons ouverts à tous les vents ! Je suis pour une Europe qui ait une politique industrielle."
Sur les motions de censure déposées par les oppositions"Ce qui me met en colère, c’est le cynisme et le désordre", tonne le chef de l'Etat, selon lequel la "coalition baroque" de la Nupes a montré qu'elle était "prête à se mettre main dans la main avec le RN."
"Cela ne mènera à rien, poursuit Emmanuel Macron. Ils ne sont pas du côté du mérite, de l’ordre, du travail, de l’avancée. Nous avons simplement vu (lors du vote des motions de censure, NDLR) que le roi était nu. Le gouvernement a eu raison de recourir au 49-3. Il n’y a pas dans notre pays de majorité alternative, car celle-ci repose sur la coalition des extrêmes".
Sur la réforme des retraites"Si on veut réussir, avancer, on n’a pas d’autre choix que de travailler davantage et plus longtemps dans la vie. Cette réforme est essentielle si nous voulons préserver notre modèle social", défend Emmanuel Macron.
Concernant la "mesure d’âge", le chef de l'Etat confirme le canevas évoqué avant sa réélection: "A partir de l’été 2023, on devra décaler l’âge légal de départ à la retraite de 4 mois par an (63 ans en 2025, 65 ans en 2031), de manière progressive. Ces chiffres correspondent à ce dont nous avons besoin."
Faute de réforme, "soit nous augmentons les cotisations retraite de 400 euros par an, soit nous baissons les pensions, ce qui serait insupportable".
Conclusion d'Emmanuel Macron: "Il n’y a qu’un moyen de faire, si on est lucide. Comme on vit plus longtemps, il faut travailler plus longtemps. Il va falloir concerter. Je suis ouvert. Le tout, c’est que notre modèle retombe sur ses pieds."
Sur les "superprofits"« On confond parfois tout dans le débat public. Qu’est-ce que c’est que les superprofits ? Ce sont les profits qu’on fait en raison de l’envolée des prix de l’énergie ? Ces profits-là, on les reprend et on les redistribue dans des aides ».
Non à la réindexation des salaires sur l'inflation"Si nous voulons recréer de l’emploi, affirme Emmanuel Macron, la solution n’est pas de réindexer les salaires sur l’inflation. Nous avons déjà ce mécanisme pour le Smic. Mais si on le fait pour toute la chaîne de salaires, on entretient la hausse des prix et on entre dans une boucle prix-salaire que l’on n’arrête plus".
Cette piste, réclamée notamment par la CGT et LFI, reviendrait selon lui à "détruire des centaines de milliers et des millions d’emplois (...). Je ne veux pas être démago".
Le chef de l'Etat plaide plutôt pour une accélaration de la "défiscalisation des heures supplémentaires" et le recours aux "primes défiscalisées", tout en appelant au "dialogue nécessaire sur le partage de la valeur créée à l’échelle des entreprises".
Sur les aides actuelles et à venirLe chef de l'Etat s'engage à "continuer à aider" les particuliers de façon "ciblée" (gros rouleurs, familles modestes, étudiants...), sans plus de précisions à ce stade.
Les entreprises vont également bénéficier d'un soutien spécifique. "Pour les PME, très consommatrices d’électricité et de gaz, comme les boulangers, nous allons mettre en place un mécanisme pour amortir les augmentations". Idem pour les collectivités territoriales, afin de leur garantir "des prix de l'énergie raisonnables".
Pour les entreprises de taille intermédiaire et les grands groupes, un "guichet d'aides avec des acomptes" va voir le jour.
Le plan détaillé sera annoncé ce vendredi par le gouvernement.
Sur la « fin de l’abondance »"Nous sommes dans une tempête et nous devons la traverser, en protégeant d’abord les plus faibles", affirme Emmanuel Macron en ouverture de l'émission.
"L’inflation que nous connaissons, dit-il, est la conséquence de nos dépendances. La moitié de ce choc que l’on subit a été prise par l’État, notamment grâce aux différents boucliers que nous avons mis en place ; un bon tiers par les entreprises ; et 5 à 6 % par les ménages."
Stéphane Barnoin