Alors que les angoisses liées au changement climatique se renforcent, l’environnement a été choisi cette année comme thème des Semaines d’information sur la santé mentale qui ont débuté le 7 octobre dans le Puy-de-Dôme. Des éco-anxieux engagés dans des associations locales témoignent.
Lorsqu’elle était au lycée, ses camarades la considéraient comme « une caricature de la végétarienne écolo relou », se souvient Flavie. La Puydômoise trouvait déjà ça démoralisant. Son « anxiété », comme elle la qualifie, envers l’exploitation et le traitement des animaux a commencé en regardant des documentaires sur le sujet. « C’est ça, principalement, qui m’a motivée à m’engager pour la protection de l’environnement », explique celle qui a rejoint le groupe local Greenpeace à l’âge de 19 ans.
Trois ans plus tard, ses questionnements se sont mués en une inquiétude globale quant à l’avenir de notre planète.
Oui, je suis éco-anxieuse. J’ai très peu d’espoir pour l’avenir, pour l’humanité.
Le terme apparu à la fin des années 90 est médiatisé depuis quelques années seulement. Face au changement climatique, de plus en plus de personnes disent en souffrir.
Sentiment d'impuissanceSur son compte Instagram @inspir.actions, Jules partage régulièrement des témoignages autour de l’éco-anxiété. « Ce qui ressort, c’est un sentiment de se sentir coincé et de pas savoir comment agir. On est beaucoup de ma génération à avoir compris ce qu’il se passait », constate le Clermontois de 20 ans.
Voir cette publication sur InstagramLa prise de conscience a été progressive pour lui. « Mes parents étaient engagés, ils lisaient beaucoup de livres. J’ai commencé à débattre de ces sujets quand j’étais au lycée. J’ai mis en place des écogestes au quotidien, parce que même l’échelle individuelle est importante, et je me suis engagé dans plusieurs associations. » Car s’il reconnaît la portée des réseaux sociaux, Jules estime qu’ils ne sont « pas suffisants pour faire passer des messages ».
Changement de milieu professionnelPlus récemment, l’étudiant en double licence mathématiques et physique à la fac de Clermont a décidé de changer de voie professionnelle.
« Je voulais travailler dans l’astrophysique mais c’est un secteur qui pollue énormément, par exemple avec les datacenters (infrastructures utilisées par les entreprises pour héberger des applications et des données, ndlr). »
Il souhaite s’orienter vers le journalisme, en se spécialisant sur les questions écologiques et trouve même que l’éco-anxiété a quelque chose de positif. « Être éco-anxieux, c’est être capable de comprendre ce qui nous entoure. C’est être lucide dans un monde fou. Mais une fois que l’on a ouvert les yeux sur celui-ci, on ne peut plus les refermer », pense-t-il.
Flavie, elle, a laissé tomber son envie de devenir policière pour faire des études de communication scientifique à Grenoble, afin de « travailler au sein d’une ONG engagée dans la protection des océans ». Ce stress lié à l’urgence écologique a aussi poussé Grégoire Delanos, photographe basé à Clermont, à repenser sa façon de travailler.
« Il y a un an et demi, j’ai tout remis en cause : pourquoi je faisais ça, le but de mes photographies. J’ai voulu diriger mon métier vers quelque chose de plus vertueux et en accord avec mes valeurs. Je ne réalise plus que des commandes pour des professionnels de l’environnement, le social, la culture et l’artisanat. »
L’autre part de son emploi du temps est consacrée à la recherche artistique dans laquelle le photographe explore des techniques moins polluantes. En 2020, il a entamé un corpus artistique nommé Solastalgie, néologisme décrivant la douleur morale causée par la perte irréparable des écosystèmes d’un territoire. « Je crois que l’art ne doit pas se cacher derrière un truc divertissant mais participer à la prise de conscience collective », continue-t-il.
Voir cette publication sur Instagram De la force dans le collectif« On est beaucoup à vouloir que ça change. Je pense que la population est de plus en plus sensible à ça, même si les politiques ne vont pas assez vite », estime Grégoire Delanos. Engagé à ses côtés dans des structures locales de défense du climat, Simon D., 37 ans dont vingt de bénévolat et militantisme, dit puiser « sa force » dans le collectif.
« Je parle d’effondrement de la biodiversité à longueur de journée, c’est à se taper la tête contre les murs. Effectivement, je flippe pour mon avenir. Je suis au milieu de ma vie et je me demande si je vais arriver à l’âge de mes parents. Dans notre milieu, tout le monde est éco-anxieux mais on se serre les coudes. C’est ça qui nous fait tenir. »
Pratique. Expositions, conférences, balades urbaines, ateliers... De nombreux rendez-vous sont proposés dans le Puy-de-Dôme jusqu'à la fin du mois dans le cadre des Semaines d'information sur la santé mentale. Le programme complet est à retrouver en cliquant ici.
Lisa Douard