5 août 1980-4 octobre 2022. Josiane Mallet aura tenu la boutique, que ses parents lui ont offerte, pendant 42 ans. « La ronde enfantine », restée fermée « pendant deux ou trois ans » elle ne se souvient plus exactement, est alors devenue « De fil en aiguille », une boutique spécialisée dans la laine, les boutons, les fils, les rubans, les aiguilles et tous les autres accessoires que l’on trouve dans une mercerie traditionnelle. « Ça portait bien son nom, car lorsque les enfants viennent, encore aujourd’hui, ils courent dans tous les sens, faisant le tour du magasin », raconte André, le mari de Josiane qui a toujours été présent à ses côtés. Enseignant, il gérait aussi les commandes, le rangement, la compta… « Ah oui, ça les papiers, j’y ai jamais touché », avoue Josiane dans un grand éclat de rire.
Dans le giron de la famille MalletEn passant aujourd’hui le relais à sa nièce, Pauline Marsal, les souvenirs remontent à la surface. Fille d’agriculteurs, rien ne prédestinait Josiane ni à devenir mercière ni à être sa propre patronne. Mais après un bac série D, « que je n’ai pas eu d’ailleurs »,
Je me suis mariée et mes parents m’ont dit “on t’achète le fonds”. Ça me plaisait bien. J’aimais bien tricoter, je faisais du crochet avec ma grand-mère, Yvonne. Je l’ai toujours vue faire et elle m’a beaucoup aidée au départ... J’ai passé le bac, je me suis mariée et j’ai ouvert le magasin, tout ça en trois mois !
Alors, du haut de ses 19 ans, Josiane apprend le métier sur le tas. « À l’époque, j’avais beaucoup de concurrence ». « Il y avait une dizaine de commerces qui faisaient de la laine », ajoute André. « J’ai pas fait tout bien, j’ai appris des choses, j’en apprends encore d’ailleurs… », poursuit-elle. Mais aujourd’hui, l’heure de la retraite a sonné.
En 2020, lorsque Josiane a commencé à dire qu’elle allait mettre la mercerie en vente, Pauline, qui a passé toute son enfance et sa jeunesse dans la boutique, s’est montrée intéressée. Une évidence. « J’ai tout de suite dit “je ne veux pas que quelqu’un d’autre reprenne” ». « Mais nous, on se disait qu’elle était jeune », expliquent Josiane et André qui déposent alors leur annonce sur « SOS Villages » sur TF1. « Des gens sont venus voir, on a eu plusieurs contacts mais bon… pas plus ». « Et puis ils voulaient me donner la priorité », relance Pauline qui ne lâche pas l’affaire.
Moi, je suis toujours venue ici. Après l’école, après le collège, après le lycée, pendant les vacances, les samedis… Je venais aider à faire l’inventaire, la vitrine, les vitrines de Noël, on en a fait quelques-unes… Ce qui me plaisait ? Ma tante ! Et puis j’aimais bien tricoter, je m’asseyais là-bas, derrière la caisse, sur le tabouret, et je tricotais. Et je lui disais toujours “un jour, je te reprendrai ton magasin”.
Face à la détermination de Pauline, Josiane et André se laissent, rapidement et facilement, convaincre. Le temps de terminer ses études de comptabilité, bien utiles pour tenir la boutique, et Pauline est désormais « la nouvelle chef de la mercerie », comme l’annoncent, avec fierté, ses grands-parents lorsqu’elle va les voir à la maison de retraite. « Ils sont supers contents que ce soit moi qui reprenne et que ça reste dans la famille », confie la jeune fille qui entend bien rester là, elle aussi, « jusqu’à la retraite ».
Pauline aux commandes depuis mardiSi depuis mardi, après avoir racheté le fonds et le stock et être passé chez le notaire, c’est donc elle la patronne, Josiane n’est jamais bien loin. « Pour l’instant, c’est l’histoire d’un an, elle reste, elle va me former ». Car même si elle connaît bien le magasin, elle s’avoue un peu paniquée à l’idée de passer les commandes de mercerie pure, « c’est ce qui me fait le plus peur, car il y a énormément d’articles ». « Ah oui, ça c’est vrai, confirme André qui en connaît un rayon. Quand on fait l’inventaire, il y a 1.500 lignes ».
Mais lorsque Pauline aura pris son envol, forte des conseils de Josiane qui lui recommande « de bien écouter les client(e) s », et « tant qu’elle me voudra », la jeune femme y mettra sa patte. Elle a déjà dans l’idée de développer les loisirs créatifs, comme le macramé, mais elle veut avant tout créer un site internet de la boutique avant la fin de l’année et utiliser les réseaux sociaux pour communiquer. La plus grosse révolution, ce sont les horaires d’ouverture. Josiane était ouverte non-stop de 9 heures à 19 heures, Pauline sera, elle, ouverte « du mardi au samedi, de 9 heures à 12 h 30 et de 13 h 30 à 19 heures. Car moi, je n’ai pas de mari qui peut m’aider ! J’en profiterai, entre midi et deux, pour faire ma compta. Je sais faire, c’est mon métier ».
Isabelle Barnérias