Au XVIII e siècle, dans les prisons royales de Guéret, les prisonniers étaient souvent spoliés et maltraités par les gardiens sans que personne ne trouve à redire à leurs conditions de détention.
Des cachots loin de la vie de château
Ce n'était pas la vie de château dans les prisons royales de Guéret (lire notre édition du 20 mai). Maintenus les fers aux mains et aux pieds dans leurs cachots, les détenus subissaient la rapacité de ceux chargés de les garder et de les entretenir.
Ils n'étaient pas comme aujourd'hui des fonctionnaires d'État, mais des particuliers, adjudicataires de cette mission depuis une ordonnance établie en 1670, aux termes de laquelle ils devaient fournir chaque jour deux livres de pain entre bis et blanc à chaque prisonnier ; renouveler tous les quinze jours la paille sur laquelle il couchait ; lui donner des pots de terre et terrines ainsi que l'eau nécessaire pour boire et faire sa soupe. Ils prenaient souvent des libertés avec ces clauses, suscitant les plaintes concernant la qualité du pain et la périodicité du changement de la paille.
Érigée à l'état d'office à la fin du XVII e siècle, la garde des prisons royales de Guéret était assurée en 1700 par François Boutaud puis, à partir de 1704, par son fils Etienne, huissier. En 1732, il jouissait encore de cet office mais le « sous-traitait » à René et Pierre Vincent qu'un procès-verbal du lieutenant général de police décrit comme « incapables et ivrognes », suite aux plaintes entraînées par leur inconduite et la mauvaise tenue de la prison. Etienne Boutaud ne les ayant pas remplacés, l'office lui fut retiré et attribué à Pierre Glomet, aubergiste de son état.
Un procureur qui fermait les yeuxL'ordinaire des prisonniers ne s'en trouvât pas amélioré pour autant, au contraire même. Glomet, ne pouvant être aux fourneaux et à la prison, laissa la garde de celle-ci à sa femme et à une servante. Or, il vint aux oreilles du lieutenant général de police Frogier de Villerambeaud que l'avarice de la femme Glomet et la violence de son aubergiste-geôlier de mari avaient provoqué des désordres dans la prison, laissée « dans un état de malpropreté notoire ».
Devant le lieutenant général, des prisonniers accusèrent les époux Glomet de leur donner du pain « si mauvais que des chiens n'en auraient pas mangé » ; de ne jamais balayer la prison dans laquelle ils élevaient des oies et des volailles ; de les laisser dans l'ordure et la puanteur ; de ne changer la paille que toutes les cinq à six semaines ; de retenir leurs habits et l'argent qu'ils recevaient en aumônes ; d'avoir donné des coups de pied à un prisonnier, couché fers aux mains et aux pieds, qui soutenait un codétenu se plaignant de ne pas recevoir assez de pain.
Le 22 juillet 1738, après que la femme Glomet ait refusé avec audace et arrogance de lui ouvrir la porte de la prison, de Villerambeaud la fit forcer par un serrurier, changer les serrures et révoqua Glomet, qui refusa de partir, se croyant à l'abri de toute sanction. L'aubergiste jouissait de la protection du procureur du Roi, Couturier de Fournoüe, du lieutenant général criminel (N.D.L.R. : juge d'instruction) et du lieutenant de la maréchaussée, Besse-Dumas. Tous appréciaient ses talents de maître-queux et lui faisaient appel pour leurs dîners privés.
Le lieutenant général de police, qui entretenait des rapports conflictuels avec ces hauts personnages, savait qu'ils « fermaient les yeux » sur la conduite de Pierre Glomet. Malgré ces appuis, il le démit de ses fonctions, le remplaçant par Pierre Paillon à la fin de 1738.
(*) Sources : « Notes sur Guéret au XVIII e siècle » par Ferdinand Villard, Mémoires de la Société des sciences naturelles, archéologiques et historiques de la Creuse.