Le site préhistorique de la Grotte des fées, à Châtelperron (Allier), n’a pas livré tous ses secrets. Une dizaine d’archéologues fouillent ce mois-ci le site. Un de leurs objectifs est de mieux le comprendre.
Reconstituer les premières fouilles et étudier la possibilité d’autres grottes susceptibles d’abriter des traces d’occupation préhistorique, ce sont les deux objectifs des fouilles programmées sur le site préhistorique de la Grotte aux fées, portées par la Drac Auvergne-Rhône-Alpes.
Une dizaine d’archéologues et d’étudiants en archéologie de Clermont-Ferrand, de Tübingen en Allemagne, d'Aix-en-Provence, Rennes, la Sorbonne, le Museum d’histoire naturelle de Paris, travaillent actuellement sur le site. L'aboutissement d'un long travail préparatoire.
Des chercheurs des universités de Paris-Sorbonne, Nanterre, Tübingen...Châtelperron, qui a donné son nom à une période de la Préhistoire, le Châtelperronien, il y a 45.0000 ans, et en reste la référence mondiale, a encore beaucoup à nous dire.
« La période correspond à l’arrivée d’Homosapiens en Europe et la transition entre l’homme de Néandertal et Homosapiens », resitue l’archéologue David Angevin, conservateur du patrimoine au Service régional de l’archéologie de Clermont-Ferrand, qui fait partie du groupe de chercheurs des universités de Clermont-Ferrand, Nanterrre, Paris Sorbonne, Toulouse, Tübingen en d’Allemagne, qui, depuis 2019, tentent de remonter le fil de l’histoire.
David Angevin devant une des grottes qui ont livré des objets préhistoriques.La grotte ou plutôt les grottes (la grotte Poirier, la grotte Bailleau et la grotte dite effondrée), découvertes en 1848 et 1870 lors de l’aménagement d’une voie ferrée entre Montcombroux-les-Mines et Dompierre pour transporter du minerai, a été fouillée par le préhistorien Henri Delporte au début des années 1960. Ce site, dont les dernières fouilles ont plus de cinquante ans, méritait d’être mieux documenté.
Paradoxalement, un des sites châtelperroniens les moins connusL'équipe comprend des archéologues allemands. Ici fouille dans un terrain situé au-dessus des grottes.
« On reprend là où il s’était arrêté. Paradoxalement, même s’il est mondialement connu, c’est un des sites châtelperroniens qu’on connaît le plus mal », explique Raphaël Angevin. Les autres sites châtelperroniens répertoriés sont situés, pour deux d’entre eux, en Auvergne, « et tous sont compris entre le nord de l’Espagne et l’Île-de-France, le sud de la Bourgogne ».
Sur ce site classé Monument historique depuis 1949, de prime abord, rien de spectaculaire : deux grottes dissimulées par la végétation, au bord d’un chemin. Il s’agit en fait d’une ancienne voie ferrée : « Cela reste un petit site en superficie même si on y a trouvé beaucoup de choses, et il a été beaucoup transformé par l’homme ».
Les objets découverts à Châtelperron sont aujourd’hui dispersées au Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, au British Museum, au Philadelphia Museum of Art : ils sont réexaminés par les chercheurs de l’université de Tübingen. « Nous avons fait un plan du site, car seul un schéma existait ». Des carottages ont permis de mieux cerner la nature du terrain, autour des grottes.
Questionner les fouilles précédentesQu'ont donné les nouvelles fouilles ? « Pour l’instant, on a trouvé des silex, petits fragments d’os, mais très peu, car le site a déjà été très fouillé ». Pendant qu’une partie de l’équipe remplit des seaux de terre, le reste tamise et trie le résultat des seaux à quelques centaines de mètres plus loin : ossements de mammifères, ivoire, fragments de silex, objets fins. Le moindre objet découvert est soigneusement numérisé en 3D, enregistré avec un numéro, avec la position exacte dans laquelle il a été trouvé.
« On essaye de comprendre ce qui a été fait avant, on questionne certaines conclusions d’Henri Delporte, sur une succession entre les espèces néandertaliennes et homosapiens, on détermine s’il n’a pas fouillé des endroits qu’il croyait intacts, mais qui ne l’étaient pas. Les vestiges étaient vrais, mais pas leur stratigraphie. Bref, c’est aussi une enquête sur l’histoire de l’archéologie ». Une enquête sans fin. « Chaque réponse apporte une autre question ».
Déception : pas de nouvelle grotte habitéeDavid Angevin, archéologue du Service régional d'archéologie de Clermont-Ferrand
Les archéologues cherchaient aussi une possible nouvelle grotte. Les sondages effectués au registre supérieur de l’escarpement des “Fées” ont permis de découvrir, comme attendu à l’issue des prospections géophysiques [mesures de résistivité électrique des terrains], l’entrée d’une petite cavité, de taille plus réduite que les grottes situées en contrebas.
Mais « rien n’indique pour l’instant qu’elle ait été fréquentée par l’homme, ou même par les grands carnivores de la Préhistoire », précise David Angevin.Un rapport sera rendu fin 2021, des publications sont envisagées dans des revues et un retour vers le grand public. « L’objectif est aussi d’alimenter par des éléments nouveaux l’exposition de Préhistorama ».
Ariane Bouhoursariane.bouhours@centrefrance.com