Aujourd’hui on ne couperait plus la tête du roi…
Emmanuel Macron avait raison quand il soulignait la béance, le vide créés dans notre espace démocratique par la mort de Louis XVI et l’obscure nostalgie d’une période de notre Histoire, que les horreurs de 1793 et la guillotine fonctionnant à plein régime n’ont fait qu’aviver. Dans nos tréfonds, on s’habitue mal à l’absence d’une légitimité mise à mal par un bouleversement révolutionnaire malgré la mythologie dont on l’entoure et la volonté de nous faire croire que la France n’aurait vraiment commencé qu’en 1789.
Les partisans d’une monarchie, d’un roi, respectés parce que détachés du tout-venant et des ambitions dérangeantes, ne seraient plus autant tournés en dérision et trouveraient probablement une écoute moins ironique de la part de beaucoup. Certes le régime républicain continue à dominer très largement dans l’esprit public mais d’abord parce qu’il serait trop provocateur de l’estimer substituable par un autre.
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À considérer certains signes moins superficiels qu’on ne le pense, j’éprouve l’impression, chez moi le premier peut-être, d’une impossibilité et en même temps d’un regret lancinant.
La passion avec laquelle on a regardé The Crown, l’intérêt que nous portons à la monarchie britannique et à d’autres en Europe, l’admiration que nous éprouvons pour la reine Elisabeth II, la considération de la pompe et de l’allure dans lesquelles les obsèques du Prince Philip se sont déroulées, la distance émue qui a été la nôtre face à tant d’événements qui ne relevaient pas à proprement parler de notre monde, ont montré, et pas seulement chez les épris par principe de ces péripéties royales, comme un sentiment de familiarité, presque d’appartenance.
Un autre univers sans doute mais dont la tradition assumée, contre toutes les vulgarités du modernisme, nous faisaient du bien, parfois à notre grand étonnement.
Nous serions, nous, en monarchie républicaine depuis l’élection du président de la République au suffrage universel ? Tristement je réponds affirmativement à cette interrogation mais avec le constat immédiat que nous pâtissons des vices de la République et que nous sommes privés des vertus de la royauté.
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Non pas que celle-ci, où qu’elle se trouve, n’ait pas connu de dysfonctionnements, de scandales ou d’injustices. Mais la plupart du temps, opposant aux débats politiques multiples, aux affrontements partisans, à l’écume sectaire et idéologique et à la droite ou à la gauche de gouvernement un comportement apparemment neutre, stable et serein, elle permet aux citoyens au moins de se garder d’une inimitié totale, d’une contradiction globale et systématique. Elle se sauve et elle est sauvée du désastre quotidien d’un engagement absolu. En surplomb elle n’est pas indifférente ni désengagée. Mais son engagement est pour le pays, pas pour le parti que l’élection, un temps, a rendu dominant.
Si peu de monarchie avec un président de la République qui, n’ayant jamais été un arbitre, ne cesse de s’abandonner avec volupté, avec un ascétisme feint, un sens du devoir forcé, à la jouissance d’un pouvoir de moins en moins limité. Surtout quand le Premier ministre est tenté de se laisser grignoter ses attributions par révérence, par complaisance.
Si peu de République avec un président usant et abusant du Conseil de défense, avec une vie parlementaire sans aucune équité démocratique (faute de proportionnelle), un groupe majoritaire où quelques personnalités choisies dissimulent une masse inconditionnelle, un pouvoir d’injonction plus que de délibération, une rétention plus qu’un partage, une apparence populaire mais une réalité régalienne…
Un roi trop plongé dans la mêlée pour être consensuel. Une République diminuée avec un monarque trop puissant.
Nous sommes les sujets, les citoyens d’une monarchie républicaine qui représente une synthèse médiocre et très imparfaite entre la grandeur, l’allure et l’impartialité d’une monarchie exemplaire et le caractère pluraliste, égalitaire d’une République digne de ce nom.
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