La politique d’Éducation prioritaire a 40 ans en France et elle est loin encore de remplir ses objectifs initiaux.
Je dirais que c’est probablement le moins mauvais système parmi ceux que l’on aurait pu mettre en place. Évidemment, il y a des endroits où cela fonctionne moins bien, mais aussi d’autres où cela a produit des effets. Des améliorations ont déjà été apportées. Je pense notamment au dédoublement des classes en CP/CE1, mis en place à la rentrée 2018 et qui a un véritable impact en matière de lutte contre les inégalités. Impact que nous espérons voir confirmé sur la durée de la scolarité. Les tests de fluence en lecture de 6e ont encore montré pour certains élèves de grandes difficultés avec un niveau proche du CE2. L’Éducation prioritaire est un formidable laboratoire pour expérimenter et élargir des mesures si les résultats sont là.
Aujourd’hui, votre ministère interroge la pertinence même de la carte de l’Éducation prioritaire. En quoi consiste l’expérimentation autour des contrats locaux d’accompagnement ?Aujourd’hui, la carte des réseaux d’éducation prioritaire, REP et REP +, majoritairement adossée aux Quartiers prioritaires de la politique de la Ville, date de 2015 et touche environ 20 % des écoliers et collégiens du public. 1.093 collèges et écoles sont concernés, ce qui couvre 1,7 million d’élèves.
Mais, entre ces réseaux prioritaires et ceux pour qui ça va bien, existe une zone grise faite de territoires correspondant aux critères nationaux, notamment sociaux, de l’Éducation prioritaire mais qui, pour autant, n’en perçoivent pas les moyens.
Je pense notamment aux écoles orphelines. Actuellement, pour bénéficier du label REP, une école, bien que réunissant les critères, doit être adossée à un collège lui-même REP ou alors elle se retrouve exclue. Dans l’expérimentation que nous allons déployer à la rentrée 2021 dans trois académies (Lille, Aix-Marseille et Nantes), nous souhaitons remédier à ce manque en leur attribuant des moyens. Même chose pour les lycées professionnels en difficulté ou les établissements situés en zone rurale, où nous avons au final très peu de REP.
L’objectif est de faire entrer de nouveaux publics et de nouveaux territoires. Les zones rurales ne doivent pas être oubliées. Nous souhaitons ainsi changer d’approche.
Aujourd’hui, vous êtes en REP ou REP + : vous avez un package de moyens, parfois même des primes à la mobilité alors que l’établissement n’a pas de problème d’attractivité, tout simplement parce que cela fait partie du package. Sur cette expérimentation des contrats locaux d’accompagnement, nous allons regarder à l’échelle de l’établissement et attribuer des moyens en fonction des besoins pour plus d’équité et de justice. L’objectif est de conduire l’ensemble des élèves vers la réussite, tout en prenant en compte la particularité des territoires. Mais cette politique reste bien nationale, avec des critères nationaux.
N’existe-t-il pas un risque de voir se diluer les crédits ?Cette expérimentation est une voie parallèle avec un financement propre qui sera prochainement annoncé. Nous ne touchons pas à la carte existante et aux moyens de l’Éducation prioritaire. D’ailleurs, les moyens alloués à l’Éducation prioritaire sont passés à 2,1 milliards d’euros en 2019, contre 1,6 milliard en 2017.
Avez-vous pu mesurer l’impact du premier confinement en termes de décrochage scolaire ?Les évaluations nationales montrent un écart qui s’est un peu creusé entre les zones REP et hors REP, notamment en CE1, surtout en français, sur la lecture et l’écriture. En 6e, nous avons plutôt eu de bonnes surprises, hormis la fluence. On a raccroché des élèves via les « vacances apprenantes » et les stages de réussite de fin août avec 250.000 élèves inscrits en 2020 (majoritairement des élèves du CM1 à la 6e) contre 70.000 élèves en 2019. Mais, essentiellement, si nous avons moins de décrocheurs qu’attendu, nous le devons aux professeurs qui sont allés au contact des familles afin de garder le lien pendant le premier confinement. Je les en remercie vivement.
Au sein de votre ministère, est-ce une véritable inquiétude de devoir refermer les écoles ?Tant que nous le pouvons, nous préférons les maintenir ouvertes, d’abord pour des raisons éducatives, sociales ensuite – je pense au repas –, et économiques pour permettre aux familles de travailler. Pour autant, notre responsabilité est d’assurer la sécurité de nos élèves et de nos personnels, d’où la campagne de tests annoncée.
Propos recueillis par Florence Chédotal
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Après « devoirs faits », un dispositif gratuit pour les collégiens volontaires au sein des établissements, place aux « e-devoirs faits », sa version à distance. Nathalie Elimas, lors de ses déplacements, a pu se rendre compte que les élèves dépendent souvent en ruralité d’un transport scolaire. Ce qui les empêche de rester après la classe pour participer au dispositif. D’où l’idée d’expérimenter la possibilité de se connecter à distance, afin de pouvoir poser des questions à un professeur. Ce dispositif trouve aussi son intérêt au regard de la crise sanitaire et de la limitation du brassage d’élèves. « L’idée est de rester souple. Nous laissons la main aux équipes ».
La bio express de Nathalie Elimas
Son parcours pro. Née le 5 juin 1973 à Beauvais (Oise). A grandi dans le Val d’Oise. Études de droit à l’université de Nanterre. École de commerce (MBA audit et management des ressources humaines). Après avoir exercé dans les RH, elle devient professeure des écoles en 2009. Elle a notamment travaillé en REP. Son parcours politique. Elle a rejoint le MoDem en 2O07. Élue adjointe au maire de Margency en 2014, elle devient conseillère régionale d’Ile-de-France en 2015, puis députée en 2017. Ses passions. « Je travaille énormément et consacre le peu de temps libre que j’ai à mes quatre enfants. Dès que je le peux, je lis pour m’évader ». Les écrits de Simone Veil et les mémoires de Barack Obama.