Le catch, c'est une affaire de personnalité. Sur le ring, il faut s'affirmer, se démarquer, capter l'attention. Trois choses que fait impeccablement bien Alexis Maria. Du haut de ses 21 ans, ce jeune athlète (qui s’identifie comme un homme, ndlr) s'est fait une place de choix dans le monde du catch hexagonal. Dès qu'il pose un pied sur le tapis, tous les regards sont braqués sur lui. Certains sont subjugués, d'autres perplexes. Aux antipodes de ses homologues qui misent sur une virilité exacerbée à la limite de la parodie, Alexis Maria laisse ressortir sa féminité et esquisse un alter ego très troublant pour les amateurs du sport de combat.
"Les gens se posent des questions quand ils me voient, raconte le catcheur lors d'une rencontre en visio. Est-ce que c'est un homme ? Une femme ? Une personne trans ? Une drag-queen ? Fréquemment, on vient me voir pour me demander. Je leur réponds que c'est à eux de deviner". L'impertinence dont fait preuve Alexis Maria transparaît jusque dans son personnage sur le ring. Lors de ses matchs, il n'est pas rare de l'apercevoir souffler des baisers en direction du public ou tirer la langue d'un air taquin.
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"Avant, mon personnage était beaucoup plus clownesque", avoue-t-il. Le sportif fait référence au "coup du bisou", un gimmick de son alter ego où il devait embrasser son adversaire au gré du combat. Surpris ou répugné, ce dernier se retournait et Alexis Maria en profitait pour le saisir par derrière et le plaquer au sol. Jusqu'au K.-O. "Mais ça m'a tellement lassé de faire tout le temps la même chose que j'ai voulu retravailler mon personnage et développer un côté plus Marvel, plus super-héroïque, détaille-t-il. Tout en restant dans le féminin et le masculin en même temps".
Cet attrait pour le féminin, Alexis Maria ne se l'explique pas vraiment. "Ce qui me plaisait déjà avec le catch, c'est le fait d'avoir un personnage, assure-t-il. Il faut savoir que lorsqu'on se crée un personnage, c'est aussi une partie de nous. Donc les parties féminines que j'ai en moi, je les exprime à travers le catch. Quand j'étais plus jeune, je me maquillais énormément et j'étais très efféminé. Maintenant, je ne me maquille plus et je suis beaucoup moins androgyne qu'avant".
En tout cas, entre lui et le catch c'est une histoire d'amour qui dure depuis un bout de temps. Né en Bulgarie, Alexis Maria arrive à Bordeaux à l'âge de 2 ans, après avoir été adopté. Et quelques années plus tard, ce sport pourtant méconnu en France s'est imposé à lui. "Comme tous les catcheurs, j'en regardais beaucoup à la télé quand j'étais gosse, stipule-t-il. Puis j'ai vu qu'il y avait des jeux vidéo sur ce sport-là donc je me suis dit que j'allais essayer. Et je me suis vite rendu compte qu'il manquait quelque chose". À tout juste 8 ans, Alexis Maria intègre une école de catch, à la surprise de son père. "Je faisais de la lutte avant ça donc ça m'a un peu aidé", ajoute-t-il.
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Avec une douzaine d'années d'expérience au compteur, le jeune sportif est rodé. Et s'il nous confirme la dimension "scénarisée" des combats de catch, cela n'enlève rien à la réalité physique des choses. "C'est un sport spectaculaire, souligne Alexis Maria. On s'entraîne énormément mais il faut savoir que quand on fait une chute, ça fait mal. Le corps, le dos surtout, n'a pas l'habitude des chocs. Mais on apprend à gérer les coups. On touche la personne mais on ne la blesse pas".
En revanche, certains mouvements sont bien réels. "Les tartes qu'on se met dans le visage, c'est des vraies", rigole-t-il. Côté préparation, l'athlète surveille sa diète, notamment son apport en protéines, et s'assure de maintenir une forme irréprochable. "Je dois bosser les pecs, les abdos, les fessiers, les jambes, tout pour avoir vraiment une belle musculature", explique-t-il. Avant chaque match, une fois l'échauffement effectué, Alexis Maria s'occupe de son maquillage, de sa tenue (parfois pailletée, toujours tape-à-l’œil) et de ses extensions. Enfin ça, c'était avant : "J'ai coupé mes cheveux pendant le confinement mais j'aime bien, ça me donne un côté plus badass".
Coronavirus oblige, Alexis Maria a dû faire une croix sur les combats depuis plusieurs mois. En temps normal, il les enchaîne, mais si les rivaux se suivent, ils ne se ressemblent pas. "Je me bat avec tout le monde, explique-t-il. Ça peut être des débutants, des poids lourds, des poids plumes, des hommes, des femmes... Tout est possible. Mon personnage veut justement qu'il y ait cette égalité des chances". À l'échelle française, il est le seul homme à se produire sous une apparence féminine. Et c'est calculé. "Je représente vraiment la cause LGBT à travers mon personnage. Je voulais casser les codes", s'enorgueillit le catcheur.
Au fil de notre discussion, le jeune sportif mentionne les exótico, ces catcheurs mexicains qui jouent sans vergogne avec les codes de la féminité. Cassandro el Exótico, l'une des figures de proue des exótico, est d'ailleurs un très bon ami d'Alexis. "Il ne m'a pas du tout inspiré parce que je n'avais pas envie de copier qui que ce soit d'autre, tient pourtant à préciser ce dernier. Les catcheurs se copient souvent les uns les autres, mais j'ai voulu faire ça à ma sauce".
Ouvertement gay, le jeune sportif ne saurait pas vraiment dire si le catch est un milieu friendly pour les personnes LGBT+. "Dans mon cas, ça dépend des endroits où je catche évidemment, estime-t-il. Quand je catche dans certaines régions, les gens me regardent un peu de travers. Mais c'est parce qu'ils ne sont pas habitués". Dans son entourage, c'est tout le contraire. Sa famille comme ses proches trouvent ses prestations "très amusantes" et le soutiennent. Et s'il fait parfois l'objet de moqueries de la part d'inconnus qui ne connaissent pas la bienveillance, il peut compter sur son alter ego pour les recadrer. "Je sais toujours quoi dire quand ça arrive, sans être trop vulgaire bien sûr", conclut-il en souriant, avec cette touche d'impertinence qui le caractérise.
Crédit photo : Alexis Maria
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