Le granite, les grandes hêtraies moussues et des vestiges antiques inscrivent les monts de Saint-Goussaud, en Creuse, dans une atmosphère celte. Les bois qui couvrent les versants dissimulent des constructions étranges, qui parfois s'enfoncent dans le talus tel un terrier... Mais qui logeait donc là-dedans ?
Dans l’épaisse forêt qui couvre les Monts de Saint-Goussaud, on peut tomber sur un théâtre gallo-romain, précisément au puy de Jouër. C’est à proximité de ce site classé qu’a été découvert l’an passé un édicule peut-être un peu moins antique mais témoignant d’une occupation humaine ancienne .
Sous la mousse et les fougères, encastré dans le talus, a surgi un habitat étrange : était-il dévolu à de petits hommes ?
Un ermite précurseur ?Les fans du Seigneur des Anneaux pourraient percevoir comme un indice concordant le fait que la cité de la tapisserie d'Abusson (Creuse) ait choisi de tisser des oeuvres graphiques de JRR Tolkien.
Si le magicien Gandalf n’a jamais été repéré dans les hautes collines de l'ouest creusois, il est question dans les textes anciens d’un certain Gonsaldus qui s’est installé ermite et berger sur ces collines au VIIe siècle.
Ce berger mérovingien, futur Saint-Goussaud, est-il celui qui a empilé les premières pierres ?
L’association Nature et patrimoine de Laurière (Haute-Vienne) a été la première à s’intéresser à ces « cabanes de pierre » oubliées.
Une trentaine de "loges", selon la terminologie locale, ont été exhumées et il semble que les bergers aient bien été les seuls hôtes et destinataires de ces abris rudimentaires.
La principale « concentration » se trouve sur le versant sud-ouest, entre les communes de Saint-Goussaud (Creuse) et Jabreilles-les-Bordes (Haute-Vienne).
Les loges de berger ont pu être une centaine au début du vingtième siècle.
Sur la lande battue par les vents d'ouest« J’ai connu des gens qui en avaient vu construire », signale Christian Libaude, infatigable guide de ce secteur de moyenne montagne, qui a assisté aussi à la destruction d’une loge « d’un coup de pelleteuse après la tempête de 1999 ».
Chritian Libaude, le guide
Cent ans en arrière, il faut imaginer les monts de Saint-Goussaud battus par les vents d’ouest et couverts d’une lande pâturée toute l’année par les troupeaux.
Le moindre rejeton de chêne était alors piétiné ou rectifié : « Sur ces collines dénudées, la pierre était le seul matériau permettant de construire un abri », relève Christian Libaude.
Construites par de futurs maçons de la Creuse ?En se basant sur des récits, le guide imagine « que les loges étaient construites par des jeunes bergers qui se faisaient la main avant d’effectuer la grande transhumance des maçons de la Creuse ».
Ces cabanes procèdent de la même nécessité qu’en Quercy, Périgord et autre régions où les bergers et travailleurs agricoles passaient de longues journées loin de la ferme. Ils s'y mettaient à l'abri des intempéries et y pouvaient y préparer leur frichti.
En l’absence de pierres plates permettant de tenter un toit en lauze, les moellons de granite autorisent une voûte façon « igloo ».
Chaque loge de berger a son style.
Des circuits ont été balisés par Nature et patrimoine. Sur la commune de Saint-Goussaud, les villages du Cros et du Fieux recèlent plusieurs loges de berger dans leur environnement proche. Un randoguide (trace GPS téléchargeable en appli ) a également été créé par l'équipe VTT Sports Nature du Pays ouest Creuse.
Julien Rapegno
Photos : Pascal Dacasa