Cette fois, contrairement à l’affaire de l’hélicoptère de secours Dragon 63, un temps délocalisé en Lozère avant que l’État ne fasse machine arrière, il ne s’agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Il s’agit bien de détricoter l’ensemble du réseau de lignes opérées par Air France et sa filiale Hop. Notamment les lignes intérieures, ces fameuses lignes hexagonales confiées à Hop, compagnie née en 2013 de la fusion entre Brit Air, Régional et Airlinair.
8.525 suppressions de postesC’est ce vendredi que la direction du groupe Air France doit détailler son plan de restructuration (7.500 postes supprimés sur Air France, 1.025 sur Hop) et peut-être sa nouvelle stratégie concernant les vols intérieurs, qui sera quoi qu’il en soit dévoilée cet été. Une stratégie guidée par l’injonction du gouvernement d’arrêter l’exploitation des lignes intérieures quand l’alternative ferroviaire place la capitale à moins de 2?h?30.
La ligne Clermont-Orly estimée non rentableCe n’est pas le cas de Clermont-Ferrand (à 3?h?30 minimum de Paris par le train). Suffisant pour affirmer que les lignes aériennes entre l’Auvergne et Paris ne sont pas menacées?? Pas si simple, si l’on prend en considération la logique comptable d’Air France, qui entend concentrer la majeure partie de son activité sur Roissy ce qui, de fait, pose la question du maintien d’un Clermont-Orly, par exemple, que la compagnie estime non rentable.
L’enjeu est d’importance pour l’aéroport de Clermont-Ferrand Auvergne, pour qui les deux liaisons avec Paris représentaient, en 2019, 80 % des 430.000 passagers enregistrés. Pour rappel, la plateforme auvergnate avait compté jusqu’à un million de passagers à la fin des années 2000, quand elle constituait un hub pour Air France. Un âge d’or bien lointain.
Négociations serrées avec Air FranceVingt ans plus tard, et quatre mois après la suppression de la ligne Clermont-Amsterdam, l’aéroport clermontois pourrait connaître un nouveau trou d’air.
En face, les élus locaux, le syndicat mixte qui gère l’aéroport (voir ci-dessous) ou encore les acteurs économiques et politiques réunis au sein de l’association Objectif Capitales se mobilisent pour sauvegarder une offre aérienne jugée indispensable au territoire.
Des négociations serrées sont menées en coulisses depuis des mois, pas toujours de façon coordonnée. Elles ont pour objectif d’amener Air France à revoir son offre commerciale, à améliorer le service (horaire et fiabilité), et non pas à raisonner en rentabilité globale de lignes dont les créneaux, notamment sur Orly avec deux rotations sur quatre en milieu de journée, ne sont pas toujours attractifs. Et donc pas toujours pleins.En termes de trafic, Clermont-Paris représente huit passagers sur dix.?Photo d'archives Rémi Dugne
Dans un contexte des plus fragiles, la présence de Michelin reste un atout prépondérant pour le territoire. La semaine dernière, son président Florent Menegaux nous indiquait sa volonté de ne pas renoncer aux déplacements internationaux dans l’entreprise ni à sa filiale, Michelin Air Service, implantée à Aulnat.
Quatre rotations avec Roissy en septembrePour Bibendum comme pour tout le tissu économique, le lien aérien avec la capitale reste vital. Le combat en cours vise aussi à stabiliser la situation sur le long terme pour ne pas avoir à battre le fer tous les six mois.
Air France s’est dit pour l’instant favorable à la poursuite des quatre rotations quotidiennes sur Roissy, avec aménagements des horaires et connexions. Ces rotations seront rétablies dès septembre. Mais la compagnie traîne des pieds pour Orly. Tandis que la bataille prend une tournure politique, reste à savoir où penchera réellement la balance.
« Retrouver l’offre nominale d’avant la crise » Pour le syndicat mixte de l’aéroport de Clermont-Ferrand Auvergne et sa présidente, Martine Guibert, le mot d’ordre, à commencer par la ligne Clermont-Paris, n’est pas de limiter la casse mais bien de conserver le service proposé avant la crise. « Les vols avec Paris représentent 80 % de l’activité de l’aéroport. Ils sont sa raison d’être. Il n’est pas question de fragiliser l’aéroport et notre territoire. La reprise sera très progressive. Nous sommes dans une phase de reconquête, mais notre objectif est de revenir à l’offre nominale qui prévalait avant la crise », explique l’élue cantalienne, également vice-présidente du Conseil régional. Et donc retrouver les quatre rotations quotidiennes avec Orly, soit le même rythme que Roissy?? « Oui, je suis confiante. La liaison avec Orly ne reprendra pas avant fin septembre. Mais Air France avait pris des engagements sur une offre globale consolidée, notamment en nombre de sièges. Bien sûr, le Covid-19 est passé par là. Mais nous restons sur ces objectifs. Les liaisons avec Roissy et Orly se justifient car nous n’avons pas d’alternative de train à grande vitesse. »
Laurent Wauquiez monte au créneau Alors que les derniers arbitrages se jouent en coulisse concernant les futures liaisons aériennes entre Clermont et Paris, le président d’Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, est monté au créneau. Il a échangé, jeudi, avec la présidente d’Air France, Anne-Marie Couderc, et a fait passer son message?: « Nous n’accepterons pas que la liaison avec Orly disparaisse. Elle est très importante pour nos entreprises, notre activité et nos emplois, ainsi que pour nos représentants associatifs. Nous allons nous battre pour que soit mise en place une OSP (obligation de service public). C’est un système où il y a une compensation du déficit de la ligne, et demandera à l’État de le prendre en charge. » Pour le président de région, l’important est bien le maintien du service, quitte à se passer de la compagnie nationale. « Que ce soit avec des avions de Hop ou d’autres, ce n’est pas notre problème. » Une position qui ouvre d’autres perspectives mais peut aussi fermer la porte des négociations avec Air France. Alors que d’autres acteurs, comme Objectif Capitales, s’évertuent au contraire à démontrer que la ligne peut être maintenue pour la bonne et simple raison qu’elle peut être rentable.
Patrice Campo patrice.campo@centrefrance.com