Le pays en compte quelque deux millions, dont une partie ont semé la panique en 2024, faisant au moins deux morts et plusieurs blessés.
Certains gouvernements locaux promettent désormais des récompenses pouvant grimper jusqu'à 3.000 yuans (397 euros) à des chasseurs comme Li Shangxue et ses associés.
Son groupe, les "City Hunters", établi à Weinan dans la province du Shaanxi, a abattu en 2024 une centaine de ces bêtes pouvant peser 150 kg, avec des défenses aussi tranchantes que des rasoirs.
Les "City Hunters" sont suivis par plus de 260.000 abonnés - majoritairement des hommes - sur Douyin, la version chinoise de TikTok, où leurs vidéos cumulent des millions de vues.
"Ma famille et mes amis sont des agriculteurs", explique à l'AFP Li Shangxue, 26 ans. "J'ai vu leurs champs complètement piétinés par des sangliers en une seule nuit."
Armés de lances et de couteaux et accompagnés d'une douzaine de chiens de chasse, le groupe progresse discrètement sur une pente accidentée.
A quelques centaines de mètres, dans le 4x4 de l'équipe, Li a les yeux rivés sur l'écran de contrôle d'un drone équipé d'une caméra infrarouge pour repérer les animaux.
Soudain, le silence pesant est rompu par les cris d'un de ces mammifères, acculé par une douzaine de chiens. L'un des chasseurs l'achève d'un coup de lance.
La carcasse est ensuite ouverte pour nourrir les chiens, maintenus affamés pour stimuler leur instinct de chasse.
"Cruels"
La Chine a classé les sangliers comme espèce protégée de 2000 à 2023.
"Après avoir été protégés, leur population a rapidement augmenté", explique à l'AFP Liu Duo, un responsable de WWF Chine, selon qui ces porcs sauvages "peuvent s'adapter à des environnements très différents".
Leur prolifération a été favorisée par les efforts nationaux pour restaurer les écosystèmes forestiers et la disparition des prédateurs naturels.
Les sangliers présentent pourtant une valeur écologique, en constituant une source de nourriture pour des espèces en danger comme le tigre de Sibérie, le léopard de l'Amour et la panthère de Chine du Nord.
Liu Duo juge qu'une meilleure protection des agriculteurs et une indemnisation pour les dégâts matériels aideraient les populations locales tout en protégeant l'habitat naturel des sangliers.
La popularité des chasseurs sur les réseaux sociaux inquiète par ailleurs les défenseurs de la cause animale, qui s'interrogent sur la légitimé de ces groupes privés dans la gestion de la faune.
Mais Zhang Tengfei, à la tête des "City Hunters", est catégorique: "Les sangliers sont des nuisibles".
"Certains groupes de défense des animaux disent que nous sommes cruels", explique-t-il à l'AFP. Mais "ils ne voient pas que les sangliers peuvent tuer des gens".
Les "City Hunters" qualifient leur travail de service public de "protection des agriculteurs", et chassent bénévolement.
M. Zhang estime que l'emploi de chiens reste la technique de chasse la plus sûre, alors que la Chine réglemente strictement l'usage des armes à feu. Les pièges et les collets risquent quant à eux d'infliger des blessures à d'autres animaux.
Champs ravagés
Dans la région septentrionale du Ningxia, les sangliers sont devenus si problématiques que le gouvernement local recrute maintenant des "chasseurs à la prime" pour abattre 300 spécimens adultes par mois, avec une récompense de 2.400 yuans (317 euros) par animal.
Dans les environs de Weinan, l'agricultrice Wang Aiwa estime que les sangliers lui ont causé des dommages d'environ 15.000 yuans (1.983 euros) en 2024.
"Tout a été dévoré", soupire la septuagénaire, pointant du doigt un champ ravagé. "Parfois, je veille toute la nuit dans mon champ avec un bâton et une fourche, mais cela ne sert à rien."
D'autres villageois font exploser des pétards ou cognent des cymbales jusqu'à l'aube pour éloigner les bêtes, en vain.
Mme Wang, qui attend toujours l'indemnisation réclamée au gouvernement local, estime que les agriculteurs ont comme seule option de se tourner vers des groupes de chasseurs pour protéger leurs exploitations.
Un million d'abonnés
Les chasseurs sont conscients qu'ils ne peuvent régler à eux seuls le problème.
"Les coûts ne cessent d'augmenter", ajoute Zhang Tengfei. Le drone de l'équipe leur a coûté environ 40.000 yuans (5.288 euros), et un chien peut valoir plusieurs milliers d'euros.
L'objectif du groupe est d'atteindre un million d'abonnés sur Douyin pour gagner de l'argent grâce à la publicité et à la vente de produits liés.
Tous ont un emploi mais aimeraient pouvoir se consacrer pleinement à la chasse.
Chaque matin, ils se lèvent tôt pour nourrir la meute, nettoyer les équipements et préparer la prochaine sortie.
Dès la nuit tombée, ils font vrombir le moteur de leur 4x4 pour parcourir les sentiers montagneux à la recherche de leur prochaine cible.
