Va-t-il cette fois dépasser le stade de la proposition ? Lors de ses vœux annuels, mardi 31 décembre, Emmanuel Macron a une nouvelle fois laissé entendre qu’il pourrait faire appel au vote des Français lors d’un possible référendum en 2025 – sans toutefois exposer clairement cette éventualité. "En 2025, je vous demanderai de trancher certains de ces sujets déterminants. Chacun d’entre vous aura un rôle à jouer", a souligné le président de la République, lors d’une allocution d’une petite dizaine de minutes.
Le recours au référendum est loin d’être abordé pour la première fois par Emmanuel Macron depuis son accession à l’Elysée en 2017. Il n’a cependant jamais passé le pas d’organiser un scrutin de ce type. Mais, après une dissolution dont le chef de l’Etat a lui-même admis mardi soir qu’elle avait apporté "plus d’instabilité que de sérénité" et un hémicycle fragmenté à l’Assemblée nationale, la possibilité de ce genre d’appel aux urnes constitue l’un des derniers atouts à jouer pour l’exécutif afin de retrouver davantage de poids politique.
Aussitôt le discours présidentiel achevé, l’opposition, principalement à gauche, a d’emblée mis en doute l’hypothèse d’un référendum dans les prochains mois. "C’est de la communication, il ne peut pas le faire", a ainsi jugé dans la foulée sur BFMTV le président LFI de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Eric Coquerel. "Puisqu’Emmanuel Macron annonce vouloir recourir au référendum, qu’il commence par un référendum sur les retraites", a pour sa part lancé l’écologiste Sandrine Rousseau sur le réseau social X. "En 2025, Macron découvre la démocratie", a de son côté ironisé le chef de file communiste Fabien Roussel.
L’idée d’un référendum a-t-elle malgré tout fait son chemin dans l’esprit du dirigeant français ces dernières semaines ? Evoquer cette option n’est en tout cas pas une nouveauté pour lui. À peine arrivé au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron réunit le Parlement en Congrès. Déjà, il laisse la porte ouverte à un scénario référendaire. "Si cela est nécessaire, je recourrai au vote de nos concitoyens par voie de référendum", pose-t-il alors, après avoir fait le détail devant les élus de ses futures propositions de réformes.
Depuis, le président a mentionné à de nombreuses reprises et sur différents dossiers le référendum comme une éventualité prête à être concrétisée. Dès 2019, la proposition avait été mise sur la table au sortir de la crise des gilets jaunes. Un temps, l’organisation d’un référendum couplé au scrutin européen ce printemps-là avait été envisagée par l’exécutif. Tandis qu’Emmanuel Macron avait participé à de multiples "grands débats" les mois précédents, l’initiative aurait pu être vue comme une façon de redonner la main aux citoyens. Finalement, le projet n’a pas abouti.
Autre exemple : la révision constitutionnelle de 2018, d’abord suspendue puis reprise en partie en 2021 dans un autre projet de loi, prévoyait d’inscrire la préservation de l’environnement dans la Constitution française. Une matière à débat entre les deux Chambres du Parlement, les sénateurs refusant de voir le texte "garantir" une telle mesure. Emmanuel Macron avait indiqué vouloir soumettre cette mesure, issue des travaux de la Convention citoyenne sur le climat, au référendum. Mais, une nouvelle fois, aucun vote ne sera planifié sur ce chantier – lui aussi finalement tombé à l’eau.
À la fin de son premier quinquennat, le président-candidat ne fait pas du sujet du référendum un thème phare de sa campagne de réélection… mais il ne balaye pas pour autant d’un revers de la main l’outil, y compris pour faire adopter sa future réforme des retraites. "Je ne souhaite pas l’exclure, car nos discussions avec les Français permettent de clarifier les choses", explique-t-il à ce propos sur BFMTV. Là encore, il fera le choix de ne pas opter pour ce chemin, certes risqué politiquement sur un tel texte.
En ce début d’année 2025, Emmanuel Macron laisse donc entrevoir, peut-être, une première utilisation de l’article 11 de la Constitution, qui permet l’organisation d’un scrutin référendaire. À moins que le président n’ait plutôt ouvert la voie, lors de sa prise de parole, à la création d’une nouvelle convention citoyenne, à l’instar du travail réalisé par des dizaines de Français sur le climat ou sur la fin de vie.
"Outre que le mot "référendum" n’a pas été prononcé, l’annonce a déjà été faite maintes fois depuis 2017 […]. Par ailleurs, des sujets comme la fin de vie ou l’immigration ne pourraient sans doute pas être soumis aux termes de l’article 11", a ainsi prévenu le constitutionnaliste et maître de conférences en droit public à l’université Panthéon-Assas Benjamin Morel, mardi soir sur X, après le discours du président de la République.
Le spécialiste fait référence au fait que la Constitution permet de proposer un référendum législatif aux Français uniquement sur "tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité".
Emmanuel Macron lui-même avait d’ailleurs souhaité élargir le champ des possibles en la matière l’an dernier. Après son échange durant l’été 2023 avec les principaux chefs de parti français lors des rencontres de Saint-Denis, il avait émis le souhait de "poursuivre" les "réflexions sur les pistes d’évolution du référendum". "Il s’agirait à la fois de saisir des projets de loi relevant de questions dites ‘sociétales’ comme la fin de vie parfois évoquée, mais également de réformes plus larges touchant plusieurs aspects intriqués entre eux", à l’instar "des questions migratoires", espérait-il alors, sans que le dossier n’aille plus loin pour le moment.