Le géant japonais de l’automobile Honda et son compatriote en difficulté Nissan se sont entendus pour ouvrir des négociations en vue d’une fusion susceptible de donner naissance au numéro trois mondial du secteur, a indiqué Nissan dans un communiqué ce lundi 23 décembre.
Ce projet intervient alors que les constructeurs traditionnels sont laminés par l’essoufflement du marché et l’onéreuse transition dans l’électrique, virage technologique dominé par l’Américain Tesla et les groupes chinois, BYD en tête. A l’instar de l’allemand Volkswagen, Honda et Nissan ont vu leurs ventes dégringoler en Chine, premier marché mondial dont ils sont très dépendants.
Déjà associés dans un "partenariat stratégique", Honda et Nissan, deuxième et troisième constructeurs japonais derrière Toyota, souhaitent conclure "un accord définitif" d'ici juin 2025, selon le protocole d'accord signé lundi. Leur objectif : se réunir sous une "holding unique", qu'ils projettent d'introduire en Bourse en août 2026.
Ce mariage permettrait de partager les coûts élevés et risques du développement de modèles électriques et de batteries, en sécurisant les chaînes d'approvisionnement et gagnant en compétitivité via des économies d'échelle. Mitsubishi Motors, dont Nissan est le principal actionnaire, déterminera d'ici "fin janvier" s'il entend intégrer cette nouvelle alliance, où chacun pourrait assembler ses véhicules dans les usines des partenaires. Les trois constructeurs réunis constitueraient le troisième groupe automobile mondial, avec quelque huit millions de véhicules écoulés l'an dernier, derrière Toyota et Volkswagen.
Un rapprochement providentiel pour Nissan : fortement endetté, il a essuyé une perte nette inattendue au dernier trimestre et sa marge opérationnelle a presque totalement fondu. Sur ses deux marchés-clés, ses ventes ont plongé : aux Etats-Unis, faute d’hybrides rechargeables face à une forte demande, et en Chine, en raison de la domination des marques locales sur le tout-électrique. Début novembre, Nissan a annoncé supprimer 9 000 postes dans ses effectifs mondiaux. Témoin de sa vulnérabilité : le géant taïwanais de l’assemblage électronique Foxconn (Hon Hai), fournisseur d’Apple, a approché Nissan pour acquérir une participation majoritaire, selon la presse japonaise, précipitant l’ouverture de négociations avec Honda. Miné par les "luttes de pouvoir" internes, Nissan "s’est marginalisé en raison de ses propres erreurs" et se trouve aujourd’hui "en mode panique, suppliant son ennemi de toujours" Honda, a estimé lundi devant la presse l’ex-patron déchu du constructeur, Carlos Ghosn.
Honda, lui, profiterait d’une entité élargie pour lancer efficacement des voitures entièrement électriques, après l’échec d’un projet commun avec l’américain General Motors. Le groupe vise 100 % de véhicules électriques d’ici 2040.
Les groupes nippons se sont longtemps concentrés sur les hybrides (combinant motorisations thermique et électrique), négligeant l’essor mondial du tout-électrique. La Chine a ainsi dépassé le Japon comme premier pays exportateur de véhicules en 2023. Alarmés, Nissan et Honda avaient dévoilé en mars un "partenariat stratégique" dans les logiciels et composants pour véhicules électriques. Initiative rejointe en août par Mitsubishi.
"Si le rapprochement Nissan-Honda vise à préparer l’avenir, développer les composants des futures voitures électriques qu’on ne produit quasiment pas aujourd’hui, ça fait sens", mais "une fusion opérationnelle ne résoudra pas les problèmes urgents de Nissan", indique à l’AFP une source proche du dossier.
"Il ne s'agit pas de porter secours" à Nissan, a confirmé lundi Toshihiro Mibe, le patron de Honda, qui pose comme préalable la concrétisation par Nissan de son plan pour réduire ses coûts et relancer ses ventes notamment avec des hybrides aux Etats-Unis.
Reflétant les inégales situations des partenaires, alors que Honda est valorisé en Bourse quatre fois davantage que Nissan pour des volumes de vente comparables, Honda se réserve le droit de sélectionner les principaux dirigeants de la future entité unique.
"Honda n’a aucune expérience en termes d’alliances ou de fusions, c’est une firme d’ingénieurs, ça ne marchera pas […] Un éventuel groupe fusionné luttera pour sa survie et son positionnement, il aura du mal face aux Chinois, à Tesla et Toyota", a réagi Carlos Ghosn.
Une fusion contribuerait à estomper davantage l’alliance historique, nouée par Carlos Ghosn, de Nissan avec Renault, qui réduit progressivement sa présence au capital du groupe japonais, après des années d’une relation orageuse. Le français contrôle encore quelque 35 % de Nissan (17 % en direct, et 18,6 % via une fiducie destinés à être graduellement cédés), lui garantissant une voix décisive dans le sort du groupe nippon. "Renault a rééquilibré l’alliance, sans la détricoter : c’est dans son intérêt de préserver les projets qu’ils ont encore ensemble" et de veiller en tant qu’actionnaire à la valeur du titre Nissan, insiste la source proche.