Magdebourg, Allemagne. Vendredi 20 décembre. Il est 19h03, heure locale, lorsqu’un homme, monté à bord d’un véhicule BMW, fauche la foule d’un marché de Noël sur près de 400 mètres. Un garçon de 9 ans et quatre femmes, âgées de 45 à 75 ans, sont tués dans l’attaque, et plus de 200 personnes sont blessées. Un bilan qui pourrait encore s’alourdir. Présenté à un juge samedi soir, le suspect a été placé en détention provisoire pour meurtre, tentative de meurtre et lésions corporelles graves. Selon des médias allemands, la veille de l’attaque,avait ignoré une convocation judiciaire à Berlin, où il était poursuivi pour un esclandre dans un commissariat qui refusait d’enregistrer sa plainte.
Trois jours après les faits, une question subsiste : quelles ont été les motivations de ce médecin saoudien de 50 ans, réfugié en Allemagne depuis 2006 ? Dans une déclaration à la presse, le procureur local Horst Walter Nopens a affirmé que le crime "pourrait avoir comme arrière-plan un mécontentement à l’égard de la manière dont les réfugiés d’Arabie saoudite sont traités en Allemagne".
"Les opinions et déclarations du suspect seront examinées de même que les indices et procédures auprès des différentes autorités et de la justice, afin d’en tirer les conclusions appropriées", a précisé la ministre de l’Intérieur Nancy Faeser dans un communiqué. Depuis samedi, les autorités allemandes commencent à lever un coin de voile sur les motivations de ce que le chancelier Olaf Scholz a qualifié "d’acte terrible" et "fou". Et c’est en se penchant sur les déclarations passées de Taleb Jawad al-Abdulmohsen, auteur présumé de l’attaque, que les enquêteurs ont émis les premières hypothèses.
En août dernier, l’homme exposait son idéologie extrémiste sur le réseau social X : "Existe-t-il une voie vers la justice en Allemagne sans faire exploser une ambassade allemande ou égorger au hasard des citoyens allemands ? Je cherche cette voie pacifique depuis janvier 2019 et je ne l’ai pas trouvée". Entre autres, le psychiatre reprochait aux autorités de ne pas assez protéger les Saoudiens fuyant leur pays, et de se montrer généreuses à l’égard des réfugiés musulmans venus du Moyen-Orient. Des déclarations publiques qui lui ont valu d’être qualifié d'"islamophobe" par Nancy Faeser.
Et d’après le magazine allemand Der Spiegel, cette incitation à la haine ne datait pas des derniers mois. Il y a un an, les services secrets saoudiens avaient adressé une mise en garde à leurs homologues allemands du BND au sujet de Taleb Jawad al-Abdulmohsen. En cause : un de ses tweets dans lequel il menaçait l’Allemagne d’un "prix" à payer pour son traitement des réfugiés saoudiens. Mais après une évaluation "de risque" l’an dernier, la police allemande avait jugé qu’il ne présentait pas de "danger particulier", rapporte le quotidien Die Welt. En 2013 déjà, le suspect avait été condamné à une amende à Rostock, dans le nord-est de l’Allemagne, pour "troubles à l’ordre public" et "menaces de commettre des crimes".
Au sein même de la communauté saoudienne exilée en Allemagne, Taleb Jawad al-Abdulmohsen effrayait. Mina Ahadi, présidente du Conseil central des anciens musulmans, le décrit auprès de l'AFP comme un "psychopathe ultra-droite conspirationniste" haïssant tous ceux qui ne partagent pas sa haine.
Un élément qui trouble les enquêteurs. Selon Nancy Faeser, le suspect "a agi de manière incroyablement cruelle et brutale, à la manière d’un terroriste islamiste, bien que son idéologie semble être celle d’un opposant à l’islam". Dans les prochains jours, la mission est de taille pour autorités : dresser un portrait de l’auteur présumé "qui ne correspond à aucun profil connu".