Depuis l’auto-nomination de François Bayrou à Matignon l’image est revenue en force sur les écrans. Elle remonte à 2002. L’intéressé bat alors la campagne des élections présidentielles. Il y est candidat sous la bannière de l’Union pour la Démocratie Française. La scène a lieu à Strasbourg dans le quartier de la Meinau. Au cours d’une sorte de bain de foule, un garnement, un sauvageon comme on disait encore à l’époque, se risque à glisser sa mimine dans la poche du visiteur. Aussitôt, une gifle fuse. « Tu ne me fais pas les poches », tance le politique, courroucé. Bien entendu, l’anecdote fait le tour des médias. Deux camps se dessinent aussitôt. Les outragés : « Quelle horreur ! Gifler un enfant, frapper un plus petit que soi ! Et l’individu capable de se laisser aller à un tel acte de violence se verrait en président de la République ! Impensable. » En face, il y a les compréhensifs, les indulgents qui gloussent, goguenards : « Sa torgnole, le petit merdeux l’a bien méritée ! »
Et voilà donc que, ces jours-ci, l’épisode revient sur les écrans. Les grands des TV et les petits des smartphones, qui, ceux-là, n’existaient guère voilà vingt ans. Une chose est à noter. Les deux camps de l’époque se retrouvent à l’identique. De son côté, BFM Alsace1 a cherché et retrouvé le souffleté de la Meinau. Il s’appelle Yacine G. Il avait onze ans en 2002. Il en a donc trente-trois aujourd’hui.
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Le moins qu’on puisse dire est que le la claque balancée par l’actuel Premier ministre n’a pas eu la vertu pédagogique qu’on aurait pu espérer, car tout ce temps-là, le garçon n’aura point chômé. Qu’on en juge ! En 2012, à 21 ans donc, il a déjà six condamnations à son palmarès, essentiellement prononcées par des tribunaux pour enfants. Suit alors une peine de quatre mois de prison ferme pour « outrages et violences à l’encontre de policiers. » (Seulement quatre mois, soit dit en passant…) En 2020, notre sémillant jeune homme est pris dans une affaire de trafic de stupéfiants entre les Pays-Bas et Strasbourg. Huit kilos d’héroïne et un kilo de cocaïne sont saisis. Arrêté en 2021, jugé en 2022, il purge aujourd’hui une peine de prison de dix années assortie de dix mille euros d’amende. Carrière bien remplie, on en conviendra.
Chaque jour, devant la prolifération d’incivilités, de délits, voire de crimes perpétrés par des individus plus ou moins pubères, on se persuade sans peine que des claques se perdent. Celle balancée par M. Bayrou à la Meinau en 2002 est évidemment du lot. C’est même la claque perdue par excellence quand on constate le peu d’effet qu’elle a eu. C’est pourquoi nous nous permettrons de souhaiter au nouvel arrivant qu’il rencontre davantage d’efficacité dans sa lutte à venir contre la délinquance, notamment celle, tellement inquiétante, tellement terrifiante, de tous ces mômes perdus de la République.
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