Au lendemain de sa nomination, François Bayrou a entamé samedi 14 décembre ses consultations en vue de constituer un gouvernement avec les présidents du Parlement et des personnalités du monde économique. Le nouveau Premier ministre doit également s’entretenir ce week-end avec les chefs de groupes parlementaires, qu’il recevra ensuite en début de semaine à Matignon. La constitution d’un gouvernement, son premier défi, pourrait bien virer au casse-tête. Les discussions promettent notamment d’être animées autour du cas de Bruno Retailleau : le ministre de l’Intérieur démissionnaire cristallise l’agacement à gauche, tandis que l’influent Gérard Larcher, à droite, souhaite qu’il soit reconduit.
Les infos à retenir :
⇒ Gérard Larcher souhaite que Bruno Retailleau reste ministre de l’Intérieur
⇒ Olivier Faure est prêt à la censure en cas de nouvelle loi immigration
⇒ François Bayrou affirme qu’il sera "un Premier ministre de plein exercice"
Dans un entretien à La Tribune Dimanche, le président LR du Sénat plaide pour que son collègue de parti Bruno Retailleau soit reconduit au ministère de l’Intérieur. En un peu plus de deux mois au ministère, l’ancien patron des sénateurs LR a "donné une impulsion, montré qu’il y avait une volonté politique à agir et à répondre aux attentes des Français sur les sujets régaliens", estime-t-il, ajoutant que le ministre est apparu pendant cette période "comme l’homme fort" du gouvernement de Michel Barnier. "Il faut de la continuité dans l’action publique et je demande qu’il soit reconduit au ministère de l’Intérieur pour poursuivre la politique que les Français attendent et dont la France a besoin", affirme Gérard Larcher. Le ministre de l’Intérieur démissionnaire s’est rendu dès vendredi soir à Matignon pour une rencontre avec François Bayrou afin de parler de la "sécurité", dont celle du pape en Corse dimanche, ou de la situation à Mayotte, balayé par un cyclone samedi.
Gérard Larcher demande par ailleurs au nouveau chef du gouvernement "une feuille de route qui permette de débloquer la situation et de rassembler tous ceux qui placent la France au-dessus de leur avenir personnel". "Le Premier ministre devra mettre chacun face à ses responsabilités", estime le président du Sénat qui s’est entretenu samedi avec François Bayrou à Matignon, estimant que la crise actuelle "impose le dépassement, à condition que cela se fasse dans la clarté et sans reniement".
Le profil très droitier de Bruno Retailleau, justement, cristallise l’agacement à gauche. Dans un entretien au Parisien, le patron du PS Olivier Faure a prévenu qu’il censurerait le gouvernement s’il présentait une nouvelle loi immigration, reprenant les dispositions écartées par le Conseil constitutionnel dans la précédente, comme le propose Bruno Retailleau. Interrogé sur le fait de savoir si le ministre peut être reconduit, Olivier Faure répond : "Il le peut. Est-ce qu’il le doit ? Non".
Le président du groupe des députés LR, Laurent Wauquiez, a vivement réagi à cette interview : "Ce que menace de censurer Olivier Faure, c’est avant tout la volonté populaire. Les Français attendent très majoritairement que notre pays reprenne le contrôle en matière d’immigration et nous avons besoin que Bruno Retailleau puisse porter une nouvelle loi pour rétablir l’ordre à nos frontières", a-t-il écrit sur X.
Ce que menace de censurer Olivier Faure, c’est avant tout la volonté populaire. Les Français attendent très majoritairement que notre pays reprenne le contrôle en matière d’immigration et nous avons besoin que Bruno Retailleau puisse porter une nouvelle loi pour rétablir l’ordre… https://t.co/ZDEsom9Xyv
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) December 14, 2024
Le député macroniste Charles Rodwell a estimé sur le même réseau qu'"en refusant toute discussion sur l’immigration, Olivier Faure confirme son aveuglement inquiétant". "François Bayrou et notre coalition ne peuvent pas céder à ce caprice", a dit le député appartenant à l’aide droite de Renaissance.
François Bayrou sera "un Premier ministre de plein exercice et de complémentarité" avec Emmanuel Macron, a assuré le nouveau chef du gouvernement à La Tribune Dimanche. "La relation avec le président est d’abord une relation personnelle. C’est un homme dont les gens ne se rendent peut-être pas compte de l’audace et du courage. Il n’y a rien de plus simple pour moi que de travailler avec lui", explique le nouveau chef du gouvernement. "Je serai un Premier ministre de plein exercice et de complémentarité. Ceux qui veulent écrire le récit d’un affrontement entre l’Élysée et Matignon seront démentis", poursuit-il.
Le président du MoDem a été nommé vendredi à Matignon après une matinée de flottement. Le chef de l’État avait d’abord signifié à son plus ancien allié son intention de nommer à Matignon le ministre des Armées Sébastien Lecornu, avant de nommer François Bayrou quelques heures plus tard. "Vous êtes président de la République, vous avez à choisir un Premier ministre dans des moments particulièrement difficiles ; c’est normal que vous preniez le temps d’examiner toutes les options et leurs conséquences", explique le nouveau Premier ministre.
Le chef du gouvernement entend proposer au président un gouvernement composé de personnalités d’expérience. "Il faut inventer une autorité que les Français comprennent, dans laquelle ils se reconnaissent et où ils savent qu’ils auront toute leur place", explique-t-il. A Matignon, "il ne faut jamais oublier qu’on est de passage. Même si cela peut durer…", déclare encore François Bayrou. Le Premier ministre doit s’entretenir ce week-end avec les chefs de groupes parlementaires, qu’il recevra ensuite en début de semaine à Matignon.
