Choisi pour succéder à Michel Barnier, François Bayrou a entamé sans perdre de temps ce samedi 14 décembre ses consultations en vue de constituer un gouvernement. Le défi est de taille, puisque le nouveau chef de l’exécutif, âgé de 73 ans, doit composer avec une Assemblée qui peut le faire tomber si les voix de la gauche s’unissent à celles du Rassemblement national, comme lors de la motion qui a mis fin au bail de son prédécesseur. Pour l’heure, la gauche est divisée sur l’attitude à adopter face au maire de Pau. La France insoumise a déjà fait savoir qu’elle déposerait dès que possible une motion de censure.
Les infos à retenir :
⇒ Le nouveau Premier ministre consulte à Matignon en vue de composer son gouvernement
⇒ "Bayrou sera censuré, Macron doit s'en aller", affirme Mathilde Panot
⇒ La droite conditionne sa participation au futur gouvernement
François Bayrou subira-t-il le même sort que Michel Barnier, renversé par l’Assemblée nationale après trois mois ? "Bayrou sera censuré, Macron doit s'en aller", a affirmé ce samedi sur X et devant l'Assemblée représentative des Insoumis la cheffe de groupe de La France insoumise au Palais-Bourbon, Mathilde Panot. LFI a fait savoir dès hier qu’elle déposerait dès que possible une motion de censure, son coordinateur Manuel Bompard qualifiant la nomination de François Bayrou de "nouveau bras d’honneur à la démocratie".
Honorée d’avoir introduit l’assemblée représentative du mouvement insoumis.
— Mathilde Panot (@MathildePanot) December 14, 2024
Bayrou sera censuré, Macron doit s’en aller.
Nous sommes prêts.
Car comme le disait le poète Prévert « Cette vie d’enfer, pourquoi se laisser faire ? Cette vie d’enfer c’est nous qui la changerons » ! pic.twitter.com/GNdKoVYAbQ
Mais la question divise à gauche. "Je ne dirais pas qu’on va censurer a priori, mais je commence à avoir des a priori de censure", a déclaré ce samedi matin Marine Tondelier, au lendemain de la nomination du président du MoDem à Matignon. La patronne des Verts a souligné sur France Inter que le président de la République avait nommé un de ses "fidèles", s’entêtant "à ne pas vouloir reconnaître sa défaite" lors des législatives.
Elle a rappelé le souhait des écologistes que le gouvernement renonce à utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, et demandé des engagements "sur le fond". Il faut "plus de justice sociale, plus de justice fiscale", "arrêter de sabrer dans les moyens des collectivités", "préparer l’avenir" en rédigeant notamment une "loi climat", et "apaiser" le pays, a-t-elle dit. A cette aune, le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, n’est pas une "personne apaisante", a-t-elle affirmé alors que se pose la question de son maintien à Beauvau. "Aujourd’hui, je vois mal comment [François Bayrou] nous convainc de ne pas le censurer, surtout s’il ne nous appelle pas, et si son premier geste politique, c’est de recevoir Bruno Retailleau, c’est quand même mal parti. Mais il ne tient qu’à lui : il a sa propre censure entre ses mains", a-t-elle conclu.
François Bayrou Premier ministre : "Je ne dirais pas que l'on va censurer a priori mais je commence à avoir des a priori de censure", assure Marine Tondelier secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts. pic.twitter.com/iviz2U6JaT
— France Inter (@franceinter) December 14, 2024
La porte-parole du PS, Chloé Ridel, a elle aussi estimé problématique le maintien de Bruno Retailleau à l’Intérieur. "S’il le reconduit au gouvernement, il risque de finir comme Michel Barnier", renversé trois mois après sa nomination, a-t-elle jugé sur X.
Le nouveau Premier ministre a entamé ce samedi ses consultations en vue de constituer un gouvernement, en recevant à Matignon les présidents des deux chambres parlementaires ainsi que le premier président de la Cour des Comptes Pierre Moscovici. Ce dernier est arrivé à Matignon aux alentours de 10h45, a constaté l’AFP. La rencontre avec la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet a été fixée à 11h30 et celle avec son homologue du Sénat Gérard Larcher à 18h00. Au lendemain de la dégradation par l’agence Moody’s de la note souveraine de la France, estimant que la "fragmentation politique" du pays est peu propice au rétablissement rapide des finances publiques, François Bayrou doit aussi recevoir le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.
Le nouveau chef de l’exécutif a également reçu vendredi soir à Matignon Bruno Retailleau, qui lui a demandé des "garanties", notamment sur l’immigration, pour participer au gouvernement. Ce rendez-vous "a permis de débuter une discussion essentielle sur le cap à tenir pour sortir la France de l’impasse institutionnelle et de relever les défis considérables qui s’imposent", a expliqué à l’AFP l’entourage du ministre de l’Intérieur démissionnaire, ajoutant que les discussions entre les deux hommes allaient se poursuivre "dans les jours qui viennent".
L'ancien ministre de la Santé et député (Horizons) Frédéric Valletoux a appelé ce samedi sur France 2 le Premier ministre François Bayrou à prendre "le temps de définir une feuille de route" avant de composer son équipe gouvernementale.
"Je pense que l'exigence première, ce serait une exigence de méthode, qu'on ne se précipite pas dans la composition du choix d'une équipe gouvernementale, mais qu'on fasse précéder cela par un vrai travail" pour définir "quelle sera la feuille de route, quels sont les sujets que dans les prochains mois" le gouvernement "va vouloir prendre à bras le corps", a-t-il déclaré.
Le président d'Horizons Édouard Philippe "avait plaidé dès la fin des législatives de 2022" pour rédiger une forme de pacte de gouvernement, "en disant à (la Première ministre d'alors) Élisabeth Borne 'on n'y arrivera pas, à faire des majorités au cas par cas, et texte par texte'". "On ne l'a pas fait avec Gabriel Attal, on ne l'a pas fait avec Michel Barnier et donc il serait temps que cette fois-ci on prenne le temps de définir une feuille de route, et ensuite chacun se positionne", a-t-il argumenté. L'ancien Premier ministre n'a de son côté pas réagi à la nomination de François Bayrou, qui pourrait voir ses appétits pour l’Élysée aiguisés par son passage à Matignon.
A droite, Les Républicains ont conditionné leur participation au gouvernement au "projet" que leur présentera le nouveau Premier ministre. "C’est ensuite que nous pourrons décider d’une éventuelle participation", a affirmé vendredi le patron du groupe Laurent Wauquiez, dont les positions ont fait "consensus parmi les députés qui se sont exprimés" lors d’une réunion en visio.
"Nous ne nous renierons pas", a prévenu l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy sur France Inter ce samedi matin, citant comme priorités de son parti l’immigration, la sécurité, l’agriculture, la fiscalité ou encore la dette du pays.