"On pense spontanément à des gens un peu fous qui prennent des risques énormes, alors que notre mission c'est tout le contraire", explique Nathalie Le Scao, vendeuse à la direction des marchés financiers de l'établissement, en évoquant les "fantasmes" qui entourent la finance de marché.
Les salles de marchés des grandes banques, souvent fermées à double tour, charrient autant de fascination que de crainte dans l'imaginaire collectif, nourri d'histoires de golden boys et de krachs boursiers.
Les entreprises tournées vers l'export font par exemple appel à leurs services pour essayer d'alléger la charge d'un crédit ou trouver des solutions pour mieux traverser les secousses liées aux taux de change.
Une équipe dédiée conçoit des produits d'épargne, une autre emprunte de l'argent sur les marchés et gère une partie des fonds propres de la banque "de manière saine et prudente", souligne Sandra Joly, la responsable Trésorerie refinancement et change d'Arkéa, qui a ouvert exceptionnellement les portes de sa salle de marchés à l'AFP.
- "On n'a pas de Leonardo DiCaprio" -
Les yeux rivés sur les écrans, la trentaine de salariés pianote sur leur clavier. Le temps du brouhaha du Palais Brongniart sur la Place de la Bourse à Paris et des ordres hurlés au téléphone semble loin.
"On n'a pas de Leonardo DiCaprio en train de sauter sur la table", s'amuse Mme Le Scao, en clin d'œil au film "Le loup de Wall Street".
Le travail a changé depuis les années 80. "L'innovation technologique accompagne aussi nos métiers et sécurise encore davantage toutes nos transactions", ajoute-t-elle.
Les profils des collaborateurs, dont la moyenne d'âge ne dépasse pas 40 ans, sont variés: des experts en finance, indispensables, mais aussi en mathématiques, en informatique et en droit.
Le prestige de la salle des marchés attire. Pour y travailler, "il faut pouvoir gérer une charge de travail qui peut être assez forte dans un laps de temps très très court", recommande Mme Le Scao.
"Quand le marché bouge beaucoup, il faut être réactif. On peut avoir des journées assez stressantes (...) mais c'est ça qu'on adore aussi, sinon on ne ferait pas ce métier", reprend-elle.
Plus petite que ses concurrentes, la salle des marchés d'Arkéa a la particularité de se situer hors de Paris.
Depuis ses larges fenêtres, on peut voir les sous-marins de l'armée française qui sortent de L'île Longue.
Autre singularité: ici, "pas d'acheté-vendu dans la microseconde", assure Pierre-Alain Dassé, dans l'équipe de Sandra Joly. "On n'a vraiment pas vocation à faire du trading".
Garder la tête froide
La salle des marchés s'appuie aussi largement sur l'expertise de ses quatre économistes maison.
Paul Chollet, économiste en chef, décode le sous-texte de la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, dont la conférence de presse est diffusée ce jeudi-là en direct sur internet.
"Ce qui va faire bouger le marché, c'est vraiment l'écart par rapport à ses propres attentes", explique-t-il.
A côté de lui, Rodrigue Mear, membre de son équipe, surveille en temps réel le cours de l'euro face au dollar et le taux d'emprunt obligataire français.
Un commentaire, même sibyllin, de Mme Lagarde sur les conséquences économiques de l'élection de Donald Trump peut faire trembler les cours et orienter les décisions de financement des clients d'Arkéa.
Avec une centaine de réunions de la BCE au compteur, M. Chollet parle couramment le banquier central, un langage fait d'une infinité de degrés de conditionnel.
Son analyse, attendue par ses collègues, fait aussi l'objet de notes à destination des clients, mais aussi de podcasts.
Ces outils de communication sont importants pour la banque et mettent en valeur son savoir-faire.
En toutes circonstances, l'important est de garder la tête froide, souffle M. Chollet, et de ne pas "surréagir" aux soubresauts du marché.