C’est un règne de 54 ans qui s’est écroulé en seulement quelques heures, façon château de cartes. Face à l’encerclement de Damas par les rebelles syriens, Bachar el-Assad s’est retrouvé contraint de fuir le pays qu’il dirigeait depuis la mort de son père Hafez el-Assad, en 2000. Ainsi, ce 8 décembre, le régime a comme été "emporté par le vent", écrit le quotidien marocain Medias24. Et tandis qu’au Liban L’Orient Le Jour fait "l’autopsie du royaume de la peur et du silence", Ici Beyrouth proclame "le début d’une nouvelle ère dans l’histoire" de la Syrie. Un pays qui a été "marqué par la barbarie", selon la formule journal hébreu Yedioth Ahronoth.
En l’espace d’une dizaine d'années, des dizaines de milliers de civils ont été enfermées dans les geôles. Le média pan-arabe Daraj se fait le porte-voix de ces millions de Syriens dont la vie a été brisée. A l’instar de celles des détenus de la "triste prison" de Saydnaya, où quelque 30 000 prisonniers ont été torturés à mort ou exécutés entre 2011 et 2018. Parmi les récits rapportés par le quotidien qui se fait le pourfendeur des "abattoirs d’Assad", celui d’un enfant de trois ans "né entre les murs de la prison, ne connaissant rien du monde extérieur - pas d’arbres, pas d’air frais, pas de jeux, juste les limites étouffantes des prisons d’Assad".
Mais de ces prisons, le pure player tunisien Business news craint que ne soient relâchés "par milliers" des terroristes tunisiens détenus par le régime syrien. Le pays risquerait alors d’être submergée par l’arrivée "de vagues de djihadistes" met en garde le quotidien qui ne faire guère confiance aux rebelles qui pourraient "lâcher les terroristes". Et de pointer du doigt la personnalité aussi "effrayante qu’intrigante" du leader de Hayat Tahrir al-Cham (HTC), le groupe rebelle qui a fait tomber le régime de Bachar el-Assad, "connu en tant que leader d’Al-Qaeda, puis de Daech et enfin de Jabhat Al-Nosra". Raison pour laquelle, peut-être, Yedioth Ahronoth s’interroge : "Quelle est la prochaine étape" pour la Syrie ?
Après plus d’une décennie de guerre civile et un renversement du pouvoir en place éclair, l’avenir de la Syrie n’a jamais semblé aussi incertain. "Il reste encore difficile d’imaginer à quoi pourrait ressembler le jour d’après et, plus encore, quel modèle de gouvernance pourrait émerger pour une Syrie post-Assad", reconnaît Ici Beyrouth. Le média libanais s’interroge notamment sur les conséquences du télescopage des "factions internes, regroupées sous l’appellation des "forces d’oppositions" […] ensemble à la fois hétéroclite et profondément homogène" et de "l’influence déterminante des puissances extérieures".
Si à l’instar du titre de presse libyen Lybia Observer, d’aucuns ont bon espoir que le peuple syrien puisse enfin choisir librement ses dirigeants, d’autres se montrent plus pessimistes. Le média Daraj dresse notamment un parallèle avec la chute, vingt et un ans plus tôt, de Saddam Hussein, qui s’est embourbé dans des luttes internes sans jamais parvenir à constituer un Etat unifié en Irak. "En 2024, le renversement des statues d’Assad, de son père et de son frère Bassel a fait écho aux scènes de démolition des statues de Saddam en 2003. L’incendie des images d’Assad a rappelé le sort réservé aux portraits de Saddam."
Dès lors, pour réussir sa transition politique, et éviter qu’elle ne finisse en réplique de l’Etat des masses, la Syrie devra relever un certain nombre de "défis", prévient le journal algérien El Moudjahid. Un changement de paradigme qui pourrait toutefois être facilité par la "disparition" du parti Baas, la formation partisane au pouvoir depuis le coup d’Etat de 1963 et chapeautée par Bachar el-Assad. "Au pouvoir depuis soixante-et-un ans en Syrie" le Baas "s’est effondré", titre de son côté l’agence de presse gouvernementale turque Anadolu. De même, après une présence de plusieurs décennies au Liban, "une fin probable" de Baas est à prévoir au au pays du Cèdre.
Si les conséquences de la chute du régime pour la Syrie demeurent nébuleuses, celles pour le reste du Moyen-Orient pourraient l’être encore davantage. Dans cette région du monde où les conflits se superposent, chacun réagit selon sa grille de lecture. Ainsi, en Israël, The Jerusalem Post tient l’Iran, principal allié du régime de Bachar el-Assad, pour responsable de la situation. Et de fustiger un régime qui "tente de tourner la crise syrienne à son avantage".
De son côté, le journal iranien anglophone Iran Daily accuse Israël d’avoir "cherché sans relâche à renverser le système au pouvoir en Syrie par divers moyens", arguant que le "partenariat stratégique [NDLR : entre Téhéran et Damas] a suscité l’ire de nombreuses nations en particulier du régime sioniste et de ses alliés". Et tandis que le quotidien turc Yeni Akit déplore que le régime syrien "n’ait pas écouté les initiatives de paix" d’Ankara, l’agence de presse kurde ANF News étrille le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan, présenté dans ses colonnes comme "le participant le plus actif à l’effondrement et à la division de la Syrie".