"Ça sera une longue CMP. Peut-être jusque dans la nuit", a prévenu un parlementaire LR : sept députés et sept sénateurs sont chargés ce mercredi 27 novembre de trouver une version de compromis sur le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2025, lors d’une commission mixte paritaire (CMP). La coalition gouvernementale dispose d’une courte majorité (huit voix contre six), mais le texte, largement adopté mardi soir par le Sénat, est truffé de mesures très sensibles sur les allègements de cotisations patronales, la revalorisation des retraites, le remboursement des médicaments comme la fiscalité sur les sodas ou le tabac. Passage en revue.
Soucieux de faire participer les entreprises à l’effort collectif de redressement des comptes, le gouvernement s’attaque à un dossier inflammable, celui des allègements de cotisations patronales. Considérant que ceux-ci se sont envolés ces dernières années, tutoyant les 80 milliards d’euros, il proposait un effort de quatre milliards d’euros sur les employeurs, ramené à trois milliards par le Sénat.
Mais le camp macroniste, comme le patronat, refuse cette mesure, susceptible de faire capoter les chances d’accord global en CMP. Michel Barnier s’est dit prêt à faire des concessions, et le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a évoqué un "compromis" possible autour d’un effort d’1,5 milliard pour les entreprises. Mais le suspense reste entier.
Le projet propose également de soumettre les apprentis à deux contributions sociales (CSG et CRDS), et d’augmenter la fiscalité des "actions gratuites" distribuées par les employeurs à leurs salariés ou dirigeants.
Le compromis trouvé entre Les Républicains et le gouvernement pour indexer les retraites sur la moitié de l’inflation dès le 1er janvier - avec un complément au 1er juillet pour les retraites sous le Smic - figure dans le texte voté par le Sénat. Et Michel Barnier l’a défendu sur TF1 mardi. Mais l’impact de la mesure sur le pouvoir d’achat des retraités fait partie des lignes rouges fixées par Marine Le Pen, qui menace le gouvernement d’une censure et juge ce compromis "inadmissible". Au point d’infléchir la position du gouvernement ?
Autre point chaud sur les retraites des agents territoriaux, l’étalement de trois à quatre ans de la hausse des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), une concession du gouvernement adoptée au Sénat.
Vivement débattue au Sénat, une mesure visant à faire travailler les actifs sans rémunération pendant sept heures de plus par an pour financer la dépendance risque de disparaître du texte final. Un accord a été trouvé entre députés et sénateurs LR pour renoncer à cette "contribution de solidarité". Et si les centristes du Sénat ont dénoncé cet accord pris sans concertation, les rapports de force en CMP sont tels que la suppression de la mesure paraît inévitable.
L’Assemblée nationale comme le Sénat avaient longuement débattu de mesures de "fiscalité comportementale", notamment autour d’un renforcement de la "taxe soda" (destinée à limiter la quantité de sucres dans ce type de boisson). Les sénateurs ont alourdi encore cette taxe - 4 centimes par litre pour les breuvages les moins sucrés, et jusqu’à 35 centimes par litre pour les plus sucrés -, l’assortissant également d’une hausse d’une taxe sur les "boissons édulcorées", votée contre l’avis du gouvernement.
Le texte en discussion en CMP comporte aussi une accélération de la hausse du prix du paquet de cigarettes, qui passera ainsi à 12,70 euros en moyenne l’an prochain, soit 40 centimes de plus que prévu dans le plan national de lutte contre le tabagisme. Et une taxe sur les "pouches", ces sachets de nicotine en gommes ou en billes à placer dans la bouche.
Un relèvement des taxes sur les loteries, casinos et autres paris sportifs figure également dans le texte, avec l’accord du gouvernement.
Même si le dispositif ne figure pas dans le texte de loi noir sur blanc, l’intention du gouvernement de baisser les remboursements par la Sécu des consultations médicales et des médicaments de 5 % - ce qui devrait se traduire par une hausse des mutuelles - continue de faire parler, notamment au RN, qui en fait un argument de censure.
Autre débat très concret pour les assurés : la "taxe lapin" introduite au Sénat, qui propose de faire payer les patients n’honorant pas leurs rendez-vous médicaux.