C'était un secret de polichinelle, mais l'élu de Picardie l'a reconnu dans Le Monde: il pense "bien sûr" à la prochaine élection présidentielle.
"2027 est une carte qui est sur la table", a expliqué celui qui, d'habitude, rechigne à parler explicitement de ses ambitions personnelles.
"Ruffin pense que la politique c'est sale, comme les écolos", sourit un député écologiste, qui a accueilli dans son groupe parlementaire - et a appris à découvrir - l'ancien journaliste, qui ne pouvait plus siéger avec les Insoumis.
Une des raisons, peut-être, qui l'a poussé à se réfugier ces dernières semaines dans les pages culture des journaux.
Amiens, Melle, Pessac, Sarlat... Pour la promotion de son dernier documentaire, "Au boulot!", vu par plus de 100.000 personnes, il a réalisé un tour de France et enchaîné les débats avec les spectateurs, notamment dans les sous-préfectures si chères à son combat politique.
"C'est l'occasion de se construire un réseau et de rencontrer les élus locaux. Ce sont des relais importants", explique un de ses proches.
Car des relais, François Ruffin - connu pour avoir dit "dans un couple, j'ai l'impression qu'il y a déjà une personne en trop" - en a bien besoin.
Sur la grande scène politique, celui qui a pourtant longtemps représenté un des plus petits dénominateurs communs de la gauche, apparaît bien esseulé depuis sa rupture avec les Insoumis - même si la patronne des Ecologistes Marine Tondelier était présente à une projection de son film.
"Il ne veut pas travailler avec les autres. Il ne construit pas, il est dans une phase d'affirmation", soupire un parlementaire socialiste.
"Il est seul. Il s'est tiré une balle dans le pied", tacle le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, y voyant la preuve que "c'est compliqué d'incarner une ligne politique de rupture radicale en dehors de LFI".
- Vers un vrai parti? -
Reste que cette tournée des cinémas, s'ajoute à un contexte social (fermetures d'usine, grogne des agriculteurs), qui résonne avec les combats portés de longue date par le réalisateur de "Merci Patron!".
Parallèlement, ce chantre de la lutte des classes essaie de structurer son micro-parti Picardie Debout, officiellement créé en 2019 et qui compte depuis l'année dernière un local à Paris.
Cette semaine, le directeur du parti Guillaume Ancelet a envoyé un courrier aux adhérents pour annoncer qu'il laissait sa place à Mathieu Bosque, un proche du député depuis 2017.
"On a une demande des militants qui est de se structurer. On veut être un parti moderne et national, comme les autres à gauche", assure à l'AFP cet ancien militant insoumis, qui dit avoir été choisi pour "préparer la croissance de Picardie Debout".
Une aspiration cohérente avec le discours de l'ancien journaliste qui rappelle souvent avec humour qu'il se considère comme "pan-picard", en faveur de "l'expansionnisme picard".
Actuellement, le parti compte une demi-douzaine de salariés selon Mathieu Bosque, qui refuse de préciser le nombre de militants.
"Disponibilité électorale"
Selon un sondage Ifop/Fiducial pour Paris Match et Sud Radio paru cette semaine, François Ruffin est l'une des personnalités politiques les plus appréciées, avec 48% d'opinions favorables, soit six points de plus qu'en octobre.
Et sa déclaration de début septembre - quand il a reconnu avoir distribué des tracts différents en fonction de s'il s'adressait à "un Noir ou un Arabe" ou pas - lui est moins reprochée maintenant.
"Ruffin a fait une sortie de route, maintenant il passe par les chemins de traverse. Il va prendre du temps avant de retrouver l'autoroute", diagnostiquait alors un élu insoumis, pourtant resté en bons termes avec lui.
"C'était un épiphénomène, c'est oublié depuis belle lurette", balaie le proche du réalisateur.
"Avec sa sortie, il a brisé six mois de capital politique. Mais il lui reste une disponibilité électorale dans le pays", estime le député écologiste.