Un revers, un danger voire une catastrophe absolue. Les défenseurs de l’environnement n’ont pas de mots assez durs à l’encontre de Donald Trump, vainqueur incontesté des élections présidentielles américaines du 5 novembre. Il faut dire que son premier mandat (2017-2021) leur a laissé de très mauvais souvenirs. Au-delà de ses déclarations à l’emporte-pièce – "Le changement climatique est un canular" ou bien "Tout le monde se fiche de la montée des océans" –, le chef de file des républicains n’a eu de cesse de saper la politique verte de ses prédécesseurs. Sous sa présidence, quelque 125 réglementations et politiques environnementales américaines ont été annulées. Les Etats-Unis ont été le premier pays à se retirer de l’accord de Paris, des forages ont été autorisés dans des zones protégées de l’Alaska, les règles visant à réduire la pollution des centrales à gaz, des véhicules à moteur thermique et des puits de pétrole ont été assouplies…
Arrivé au pouvoir quatre ans plus tard, Joe Biden a remis le pays sur le droit chemin, rétablissant une grande partie des règles qui avait été supprimées par l’administration Trump. Mais la victoire éclatante du magnat de l’immobilier signifie à coup sûr un nouveau retour en arrière. Les médias américains font déjà les comptes : les Etats-Unis ne tarderont pas à sortir de nouveau de l’accord de Paris et à reconsidérer leur implication dans la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique. Un changement majeur de politique. Une fois libérés de ces "entraves", Trump et ses alliés pourraient assouplir les réglementations sur les émissions de méthane – dont le pouvoir réchauffant est supérieur à celui du CO2 – et même s’attaquer aux bases juridiques stipulant que les émissions de dioxyde de carbone nuisent à la santé humaine, selon un article du New York Times. Le nouveau président a aussi prévenu qu’il mettrait des bâtons dans les roues à tous les Etats qui, à l’image de la Californie, fixent des objectifs climatiques ambitieux en misant notamment sur les énergies renouvelables.
"L’adoption potentiellement plus lente des voitures électriques sous une administration Trump pourrait repousser le pic de la demande de pétrole aux Etats-Unis d’une décennie", avertit déjà une analyse de Wood Mackenzie, une société fournissant des données sur la transition énergétique. Le pire scénario ? Donald Trump pourrait décider de s’attaquer à l’Inflation Reduction Act (IRA), héritage des démocrates et plus grosse machine à subventionner les technologies vertes jamais mise en place aux Etats-Unis. Le nouveau président pourrait aussi suivre les consignes du fameux "Projet 2025" rédigé avec verve par les conservateurs. Si tel était le cas, le nombre de projets liés aux énergies renouvelables s’effondrerait, notamment dans l’éolien. Les émissions de CO2 américaines augmenteraient de plus de 18 % par rapport à leur trajectoire actuelle.
Cependant, même dans un scénario moins agressif, au cours duquel aucune nouvelle politique climatique n’est adoptée mais où l’IRA se maintient, les Etats-Unis atteindraient au mieux 80 % de leurs objectifs climatiques en 2030, selon les calculs du groupe Rhodium. Pis, ce relâchement risque de faire tache d’huile et de compliquer les négociations lors de la prochaine COP, qui démarre ce 11 novembre à Bakou.
"Le résultat des élections américaines ne doit pas servir d’excuse aux dirigeants mondiaux pour éviter de prendre des mesures contre le changement climatique. Nous devons redoubler d’efforts et prouver que nous pouvons travailler ensemble pour le bien commun en apportant le financement nécessaire à la lutte contre le changement climatique lors de la prochaine COP29 à Bakou", prévient Mary Robinson, ancienne Première ministre d’Irlande. Mais pour de nombreux analystes, la nouvelle position des Etats-Unis sur le climat réduira sans doute la pression exercée sur d’autres grands émetteurs de gaz à effet de serre, comme la Chine.
Avec l’effacement des Etats-Unis sur les questions climatiques, le rôle de l’Union européenne pourrait devenir capital. Le Vieux Continent a aussi ses contraintes : des finances publiques dégradées et un soutien de l’opinion à la transition écologique qui s’émousse. "J’espère sincèrement que les récents ouragans qui ont frappé les Etats-Unis ont amené le président Trump à repenser sa conviction selon laquelle le changement climatique créera 'plus de propriétés au bord de l’océan'", veut croire Mary Robinson. Coincée entre une Amérique en roue libre et une Chine peu disposée à payer pour sauver la planète, l’Europe risque de se sentir bien seule.