Le texte propose 170 propositions autour du thème de l’accroissement de l’innovation , l’harmonisation juridique , le développement de l’intelligence artificielle , la transition écologique , la souveraineté stratégique , et la simplification administrative .
Il s’enroule autour de trois axes principaux afin d’une part d’obtenir une croissance « durable » , d’autre part de combler le retard technologique de l’Europe et d’ avoir un plan commun pour la « décarbonation », enfin renforcer la sécurité et réduire les dépendances .
Malgré le prestige dont jouit , du moins dans le milieu des bureaucrates et des technocrates , Mario Draghi , il est fort à parier , même en étant dénué de tout don de prophétie , que ce rapport rejoindra l’immense , longue et pathétique cohorte des rapports qui ont nécessité un déploiement important en capital humain et en argent pour ultimement rejoindre le caveau , déjà abondant au niveau bruxellois, des volumes et rapports dont la vocation est de n’en avoir aucune .
Le rapport en question est en effet une suite de banalités , de portes ouvertes dans lequel des évidences succèdent à des vérités que chacun peut constater sans qu’il soit besoin de mobiliser hommes, argent et imprimante.
Si c’était pour arriver à de telles conclusions Chat GPT , même dans sa version primitive, aurait fait l’affaire.
Qu’il soit nécessaire d’innover , de s’interroger sur le millefeuille bureaucratique, ou encore que des normes soient communes pour économiser des coûts de transactions et d’informations, ainsi qu’être en pointe dans l’intelligence artificielle , l’éducation , ou l’état de santé d’une population , ou encore le maillage en moyens d’informations , ne nécessite nullement la mobilisation de bons esprits pour aboutir à un rapport , certes copieux , mais bien plus sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.
Ce n’est pas un catalogue de La Redoute écrit par Monsieur Prudhomme dont a besoin l’ Europe dans la concurrence et compétition face aux deux autres blocs aujourd’hui dominants , c’est-à-dire d’une part l’Amérique du Nord , d’autre part la Chine et les pays qui l’entourent, mais d’une réflexion sur les raisons et les principes qui expliquent le déclin relatif du continent européen , et à l’inverse le succès toujours renouvelé de l’Amérique du Nord et l’émergence spectaculaire du continent asiatique , enfin débarrassé de la planification impérative pour accéder aux résultats spectaculaires généré à tout coup par le respect des disciplines du marché.
Plutôt que des banalités , même correctement ciselées, à propos des institutions européennes ou de la politique de la concurrence , de l’innovation, et des nouvelles technologies , il eût été bien plus intéressant de s’interroger à propos des trois principes et fondements qui , toujours et partout , assurent la réussite. Dit autrement quel est le déficit de l’Europe à propos d’une part de la ( les ) libertés, d’autre part de la mise en œuvre de la responsabilité , et enfin de la possibilité pour la propriété tant entrepreneuriale qu’individuelle de pouvoir se déployer et s’épanouir , afin également que sur le marché des fonds prêtables l’appariement entre les capacités d’épargne des uns et les désirs d’investissement des autres s’accordent pour se concentrer sur des projets entrepreneuriaux dont on attend un supplément de richesses , et non pas dictés par ce que les bureaucrates imaginent être les souhaits des « citoyens – consommateurs » de l’Europe.
L’Europe refuse de faire un choix clair entre un pari sur les vertus de la liberté, la responsabilité, la propriété et une économie mixte , certes appuyée sur le fonctionnement des marchés fidèle à l’esprit du Traité de Rome, mais constellée , puis gangrené désormais en tous domaines , d’une réglementation foisonnante, afin de pouvoir « piloter » le destin économique de l’Europe. Ce refus de clairement choisir entre la liberté et le dirigisme provoque des dysfonctionnements . La raison de ces interventions siégerait dans la lutte contre les défaillances du marché . Cela a pour résultat réel de surtout accumuler des défaillances étatiques, bureaucratiques, technocratiques . Le refus d’accepter l’idée de la dichotomie des systèmes est le talon d’Achille de la gouvernance européenne depuis les quarante dernières années. Le marché a ses propres logiques et sa propre cohérence. Il en est de même des politiques interventionnistes. Mais on ne saurait imaginer une solution neutre, équilibrée, médiane qui consisterait , dans un jeu d’équilibre impossible à mener, à puiser dans chacun des systèmes ce qui semble le meilleur.
Plutôt que d’imaginer une nouvelle véritable usine à gaz avec des centaines de mesures qui s’empileront d’avec les autres sans que les premières jamais ne disparaissent , il aurait sans doute été plus judicieux de se poser la seule question qui compte finalement. Cette interrogation est la suivante : quelles sont les facteurs , les fondements , les principes , les politiques qui expliquent l’éclatante réussite des deux autres ensembles d’un monde dit tripolaire.
La réponse est évidemment dans les institutions, comme affirmé depuis Adam Smith jusqu’à Douglass North et récemment confirmé de façon très convaincante par les trois titulaires couronnés du prix Nobel d’économie le 14 octobre 2024 .
Monsieur Draghi qu’y a-t-il de nouveau sous le soleil ? Bien peu de choses en réalité depuis les économistes classiques. Les bonnes institutions font les bonnes incitations , qui provoquent les bons comportements , à leur tour transformés en actions efficaces.
Quelles sont les bonnes institutions ? En la matière nul n’est besoin de faire preuve d’originalité. Partout où l’on met du marché , le système des prix, des contrats libres, du droit , de la liberté d’entreprendre , du libre-échange , la possibilité d’avoir du profit , mais aussi et encore de faire évidemment faillite si on a proposé des choix erronés au consommateur , des marchés de capitaux libres, la libre circulation et confrontation des idées afin de favoriser l’émergence des préconisations les plus solides, de la concurrence, de la propriété, un Etat fort , mais borné à ses fonctions régaliennes , une fiscalité raisonnable, équitable, juste , compréhensible , les résultats sont à la hauteur des espérances. La preuve par l’Europe de 1820 aux années 1960 . Comment être certain que la liste précédente soit la bonne ? Il faut et il suffit de constater les résultats lorsque le système d’institutions et d’incitations a pris le contre-pied total des préconisations ci-dessus. Car , par valeur d’exemplarité fort utile , nous connaissons les catastrophes des économies planifiées et gouvernées de manière centralisée , outre les persécutions et indignités quotidiennes infligées aux populations .
En économie, dans l’ordre social , dans nos choix quotidiens ce sont les principes qui comptent. Les modalités seront trouvées souvent aisément , quelquefois péniblement par le libre jeu de l’ordre spontané déployé par nos imaginations créatrices qui comblent le fossé entre le monde réel d’aujourd’hui et celui de demain.