La gauche ? C’est le refuge des puissants et l’obstacle à la révolte des opprimés. Cette inversion des rôles, qui rend la droite dépositaire de la question sociale, se lit aux Etats-Unis comme en France. C’est pourquoi la perspective d’une réélection de Donald Trump, à l’issue du scrutin de mardi, est déjà un désaveu pour les « progressistes », confrontés à leur trahison des faibles. Des deux côtés de l’Atlantique, les maîtres de ballet crachent les mêmes insultes sur le peuple qui refuse d’obéir. Quand L’Humanité titre : « Le péril fasciste » sous la photo de Trump, Kamala Harris soutient semblablement : « Oui, nous pouvons le dire, la vision de Donald Trump est celle du fascisme ». Quand Joe Biden laisse échapper son mépris pour les électeurs républicains en les comparant à des « ordures », Alain Minc les qualifie de « sous-développés ». Ce même promoteur de la « mondialisation heureuse » avait dit en 2016, parlant du référendum britannique approuvant le Brexit : « Ce référendum n’est pas la victoire d’un peuple sur les élites mais celle de gens peu formés sur des gens éduqués ». La gauche américaine partage avec la gauche française une même répulsion pour les « ploucs », ces damnés qui n’entendent rien aux certitudes des experts en chaises longues. Ces prétendus humanistes n’ont aucune empathie pour la classe moyenne. D’ailleurs, l’électorat de Trump ne se réduit pas à la seule sociologie des « petits blancs » déclassés. Non content d’avoir été rejoint par d’anciens démocrates comme Robert Kennedy et Elon Musk, Trump attire davantage parmi les minorités, hispaniques et noires. Certes, ces électeurs votent encore majoritairement démocrate. Mais beaucoup n’en peuvent plus d’un système bureaucratique et oligarchique qui se paye de mots et oublie de regarder comment vivent les pauvres. Bref, une victoire de Trump serait une heureuse sanction contre ceux qui se disent démocrates mais hurlent au populisme – voire au fascisme – quand les gens leur tournent le dos.
La délivrance idéologique est à portée de mains. Le politiquement correct, déjà ébranlé par le trumpisme d’atmosphère qui imprègne les États-Unis depuis 2016 et la première élection surprise, peut s’effondrer. Ce système étouffant de la pensée autorisée est aussi oppressif aux États-Unis qu’en France. En ce sens, la victoire de Trump serait révolutionnaire. La personnalité extravagante du candidat, qui heurte en France, n’est plus un obstacle pour l’écarter du pouvoir. Une partie de la Silicon Valley et de Wall Street s’est laissée convaincre par le pragmatisme trumpien, sa culture de la transaction, son rejet du wokisme totalitaire, sa défense de la liberté d’expression, son opposition aux guerres attisées par le complexe militaro-industriel, sa défiance vis-à-vis de Big Pharma et de son scientisme rémunérateur.
Trump ne brille pas par ses analyses ni par sa subtilité. Cependant, il est le symptôme plus complexe d’une rupture avec le mondialisme. Or, en France comme aux États-Unis, la gauche se montre incapable de penser la nouvelle vague politique autrement qu’un invectivant ceux qui prônent le retour aux frontières et aux protections. Pour avoir caricaturé les alertes contre le « péril migratoire », le camp du Bien ne peut, en France, aligner que des banalités pour commenter l’envolée des « narco-racailles » (Bruno Retailleau) et des violences urbaines claniques, qui se sont multipliées ce week-end. Samedi, Libération tirait sur « Les morts évitables » en accusant les autorités espagnoles dans les inondations de Valence. Mais combien de morts évitables la gauche a-t-elle sur la conscience pour avoir menti sur le « vivre ensemble » ? Pour ces raisons, une victoire de Kamala Harris serait une mauvaise nouvelle pour les peuples qui ne veulent pas disparaître.
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