Il deviendra à coup sûr l’une des pièces maîtresses du musée Bargoin, lorsqu’il sera revenu de son périple, au mois de mars 2025. D’ici là, le « cavalier à l’anguipède » se refait une beauté au centre de recherche et de restauration des musées de France. Il est pris en charge par des restauratrices spécialisées, sous le regard expert d’un conseil scientifique et du spécialiste français de ce type de sculpture, Florian Blanchard.
L’affaire est très sérieuse, en raison du caractère exceptionnel de l’œuvre, rappelle Marie Bèche-Wittmann, directrice du musée Bargoin. « Par l’étude de son style, il est avéré que ce groupe sculpté en arkose date de la fin du IIe siècle ou début du IIIe siècle. C’est une œuvre assez rare, en bon état, bien sculptée. »
170 ans de tribulationsLe cavalier a été acquis par le musée en 2018, lors d’une vente publique à Drouot, pour la somme de 76.560 €. À l’époque, l’État avait exercé son droit de préemption pour le compte de Clermont Auvergne Métropole et avait même contribué financièrement à l’achat, aux côtés de la Région Auvergne-Rhône-Alpes et des Amis des musées de Clermont-Ferrand.
Le cavalier à l’anguipède, avant sa restauration. Il mesure 1,42 m de haut sur 1,33 m de long (crédit photo musée Bargoin).
Cette acquisition mettait un terme à la drôle de cavalcade de la sculpture gallo-romaine, depuis sa découverte fortuite, en 1849, par un agriculteur d’Égliseneuve-près-Billom. Les différents fragments trouvés dans une tranchée, racontent Florian Blanchard et Marie Bèche-Wittmann, ont été assemblés l’année de sa découverte et fixés sur un plateau de bois. Le cavalier s’est ainsi promené dans les villages de la région, pendant quelques années, et, moyennant rétribution, on pouvait alors admirer « César terrassant un Gaulois » (il s’agit en fait d’une représentation de Jupiter, divinité honorée surtout dans la Gaule rurale et agricole, qui chevauche un géant dont le corps se termine en queue de poisson ou de serpent, d’où le nom d’anguipède).
Conservée pendant quatre générations, la statue aurait été vendue au début des années 60 à un particulier, puis cédée à plusieurs reprises avant de se retrouver dans les années 70 à Beaune, en Côte-d’Or. C’est au moment où la dernière famille en sa possession décide de s’en séparer que le groupe sculpté atterrit à Drouot, en 2018.
Étude préalableL’attention dont il fait l’objet au centre de recherche et de restauration des musées de France est pleinement justifiée. Le cavalier a souffert lors de sa vie mouvementée. La directrice du musée Bargoin dresse l’inventaire : « des restitutions impropres », « un problème de stabilité », « des goujons et agrafes en fer, aujourd’hui corrodé », « une pierre très encrassée », etc.
Une étude préalable, « quasiment aussi importante que la restauration », a permis en 2023 de radiographier l’œuvre (au sens propre), de relever les marques de taille, de noter l’ensemble des dégradations, pollutions et restaurations anciennes, de vérifier si l’arkose ne s’est pas remplie de sels minéraux avec le temps. « Nous avons par exemple démontré que le micro-sablage donnait le meilleur résultat », complète Marie Bèche-Wittmann.
La sculpture en cours de restauration (photo Hugo Plumel).
Après la restauration, qui doit avant tout lui « rendre de la lisibilité », la sculpture reviendra au pays. Elle rejoindra la famille de dix cavaliers à l’anguipède mis au jour dans diverses communes (Clermont-Ferrand, Neschers, Pontgibaud, Les Martres-d’Artière, Riom, etc.), découvertes qui confirment l’importance du culte jovien chez les Arvernes.
Thierry Senzier