Le projet de cession du centre médical national (CMN) de Sainte-Feyre, détenu par la Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale, au groupe VYV, issu de son alliance avec d’autres mutuelles de santé, inquiète l’intersyndicale de l’établissement creusois, craignant qu’il entraîne la perte d’acquis sociaux.Historiquement, le CMN est l’héritier du sanatorium créé en 1906, il y aura bientôt 120 ans, à l’initiative d’Alfred Leune, inspecteur d’Académie du Pas-de-Calais, président de la Société de Secours Mutuels des Instituteurs et Institutrices de ce département. Constatant les ravages que causait la tuberculose parmi les enseignants, souvent contaminés par leurs élèves, il souhaitait bâtir un sanatorium à vocation nationale où ils seraient soignés, en s’inspirant d’établissements existant déjà en Allemagne.
Des chambres individuellesSoixante-douze Sociétés de Secours Mutuels des Instituteurs et Institutrices sur quatre-vingt-une répondirent à son appel, créant avec les Amicales d’instituteurs une Union Nationale le 21 septembre 1901. Élu président Alfred Leune, entreprit aussitôt les démarches pour édifier le sanatorium. Le choix des administrateurs de l’Union se porta sur une propriété de 17 hectares, située sur les flancs du Puy-de-Gaudy, commune de Sainte-Feyre, dans la Creuse, qui présentait de nombreux avantages : une situation géographique centrale, dans un environnement rural préservé, à proximité d’une ville calme (Guéret) sans industries polluantes, bien desservie par le chemin de fer, à une altitude (490 m) convenant à toutes les formes de tuberculose pulmonaire, sur un sol granitique garantissant l’absence de poussière, présentant une exposition au sud avec des températures comprises entre + 26° et - 6° et bien protégée des vents du nord, un air vivifiant en raison de la proximité des mille hectares de la forêt de Chabrières, de l’eau abondante grâce aux sources se trouvant sur le domaine.
Pour acquérir le terrain (52.000 francs), aménager une route d’accès de 1,8 km, financer la construction du sanatorium, l’équiper d’une centrale électrique, les enseignants durent se débrouiller, ne pouvant compter sur l’aide de l’État. Sous la houlette de la commission exécutive de l’œuvre du Sanatorium pour Tuberculeux, ils organisèrent dans toute la France des tombolas, des souscriptions, etc. En 1903, la commission avait en caisse 1.110.479 francs pour concrétiser le projet.
Inauguré en 1906 par le ministre des Affaires étrangèresL’architecte parisien Louis Marnez conçut un bâtiment long de 190 mètres à quatre étages, 102 chambres individuelles (une exigence de A. Leune) en occupant trois, prolongé à l’est et à l’ouest par des galeries de cure où chaque malade disposera d’un lit de repos. La première pierre fut posée le 15 septembre et l’établissement, construit avec du granit trouvé sur place, accueillit le 20 août 1906 ses premiers malades, trois femmes, rejointes le 23 par le premier homme, car le sanatorium était mixte.
Léon Bourgeois, ministre des Affaires étrangères et président de l’Alliance internationale contre la tuberculose l’inaugura le 7 octobre 1906 en présence d’Alfred Leune. Dirigé jusqu’en 1940 par le docteur Claude Berthelon, le sanatorium possédait des installations médicales les plus modernes, des équipements de loisirs (bibliothèque, salle de jeux, cinéma, phonographe, instruments de musique) et une ferme dont les produits (animaux et légumes) nourrissaient les malades, leur traitement prévoyant cinq repas quotidiens, avec des promenades et du repos. Les séjours étaient courts, les pensionnaires devant assumer les frais de cure (4,50 francs par jour) en l’absence de lois sociales. Aussi, en dépit de la renommée de l’établissement, le taux de guérisons n’était que de 40 %.
« Nous avons eu quatre enfants, le dernier étant le sanatorium de Saint-Feyre ; il ne nous est pas le moins cher », déclara un jour Léonie, l’épouse du docteur Alfred Leune. Le 17 avril 1930, il eut la joie de voir son nom donné à l’établissement dont il était le « père », avant de décéder le 9 décembre de la même année.
Cession du centre médical de Sainte-Feyre : les syndicats craignent une fuite des effectifs