Opération escargot sur les principaux axes routiers du département et opération coup de poing devant la préfecture, à Moulins : les agriculteurs bourbonnais avaient frappé fort, en janvier dernier. Une mobilisation XXL, à la hauteur de la colère d’une profession. L’intersyndicale (JA 03, FNSEA 03, Sema 03 et CR 03), qui avait appelé à la mobilisation, comptabilisait alors, peu ou prou, 200 tracteurs venus des quatre coins du Bourbonnais. Du jamais vu de mémoire de syndicaliste chevronné.
Promesses non tenuesLa grogne des campagnes avait, semble-t-il, trouvé un écho auprès du gouvernement d’alors. En février, le Premier ministre Gabriel Attal dévoilait une liste de 62 mesures pour répondre à la crise. Il était question de simplification administrative, de souveraineté alimentaire, d’aides…
Problème, les promesses ne se sont pas (toutes) concrétisées. « Il y a quelques avancées », admet le président des Jeunes Agriculteurs de l’Allier, Tomas Dufrègne, comme la suppression de la hausse de la taxe sur le gazole non routier ou l’assouplissement des règles sur les prairies permanentes. « Mais, ça n’avance pas depuis la dissolution, on s’enlise. Sur l’abandon du CSP (conseil stratégique phytosanitaire), on n’a pas de nouvelles. Sur le plan fiscal aussi, on est dans l’attente. »
Autant dire que le compte n’y est pas. Les promesses continuent de se faire attendre et les agriculteurs ont l’impression de s’être fait rouler dans la farine. Bref, neuf mois plus tard, la colère couve toujours et pourrait bien accoucher de nouvelles manifestations d’envergure.
Une montée en puissance à la mi-novembrePour l’heure, seule une poignée d’actions symboliques ont été menées dans le département. À l’image des panneaux de certaines communes qui ont été intervertis. « Les panneaux se baladent, comme l’État nous balade », sourit un agriculteur. Rien de bien méchant donc, mais, le curseur pourrait bien rapidement s’élever, « autour du 15 novembre », estime Christophe Jardoux, le président de la FNSEA 03.
Difficile de mobiliser plus tôt un monde agricole occupé à limiter la casse dans les champs. « La météo annonce une dizaine de jours de beau temps, il faut en profiter, rattraper le retard causé par des semaines de pluie, poursuit Christophe Jardoux. Mais, une fois cette fenêtre météo passée, ça va monter en puissance. »
Les raisons de la colère des agriculteurs sont nombreuses : inflation, lourdeurs administratives avec des réglementations « illisibles ou inapplicables », exaspération face au sentiment d’être écrasés par des normes nationales ou européennes « au nom de la transition écologique »…
Et, la goutte d’eau qui risque de faire déborder le vase cet automne concerne les négociations entre l’UE et les pays sud-américains du Mercosur. L’avancée des discussions sur un traité de libre-échange agace au plus haut point le président de la FNSEA 03. Un accord de libre-échange ouvrirait la voie à l’importation de denrées agricoles produites « dans des conditions qui ne sont pas les nôtres, c’est injuste. Il faut que les mêmes normes soient respectées chez nous et chez eux. Sinon, c’est tout bonnement de la concurrence déloyale. » Le syndicaliste fustigeant « l’incohérence européenne » et « le renoncement à notre souveraineté alimentaire ».
« Aucune concertation »Bref, la coupe est pleine et le contexte général vient encore plomber un peu plus le moral des agriculteurs. Les conditions météorologiques, les mauvaises récoltes et le regain des maladies animales n’étant, bien sûr, pas étrangères à la situation explosive sur le terrain.
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Localement, c’est un autre sujet qui devrait mobiliser rapidement la FNSEA 03. « On a demandé en août à la préfecture un dégrèvement de la taxe foncière pour soutenir les agriculteurs de l’ensemble du département, raconte Christophe Jardoux. On a obtenu seulement un dégrèvement de 20 % et pour 120 communes. La DDT (Direction départementale des Territoires) a fait ce zonage sans aucune concertation. Je comprends qu’on ne puisse pas avoir toujours gain de cause, mais, c’est la manière que je ne supporte pas. La DDT peut se préparer, on viendra manifester notre mécontentement ! »
Kevin Lastique