Deux jours, « sur le terrain », en Limousin. La ministre de l’Éducation Anne Genetet avait organisé son déplacement autour de la question des groupes de besoins. L’occasion de prendre la température de la mesure, mais aussi de faire valoir sa méthode, résolument « pragmatique » : « mesurer, évaluer les besoins, et si nécessaire, changer ou s’adapter ». « J’ai besoin de ce contact », explique-t-elle, alors qu’elle doit faire face à une discussion budgétaire compliquée, qui laisse planer la possibilité de 4.000 suppressions de postes.
Quel est votre état d’esprit avant la discussion parlementaire ?
J’ai voté sept budgets avant d’être nommée ministre. Je connais le fonctionnement de l’Assemblée, il peut y avoir des inflexions. Je fais confiance au débat parlementaire, il peut y avoir des évolutions. Par ailleurs, j’entretiens un dialogue constant avec le ministre des Comptes publics pour lui comprendre mes priorités et mes ambitions. C’est le combat que je mène pour mon ministère et je suis tenace.
Un moratoire, décrété par le président de la République était en place pour les classes uniques et les possibles fermetures d’écoles, où l’accord des maires est obligatoire. Sera-t-il remis en cause par le contexte budgétaire ?
Ce n’est pas à moi d’arbitrer seul d’un moratoire ou non. La règle est bien connue des élus : pas de fermeture d’école sans accord du maire.
Sur l’inclusion, le recrutement de 2.000 AESH est annoncé. Est-ce suffisant ?
Je sais qu’on a des difficultés de recrutement des AESH, mais la situation s’est beaucoup améliorée. Depuis 2017, on a embauché 30.000 AESH supplémentaires, deux tiers sont désormais CDIsés avec une revalorisation salariale de 13% l’an dernier. Nous partons de loin, mais nous progressons rapidement.
Il faut se réjouir qu’on puisse, j’espère, pourvoir tous ces postes, et donc augmenter la proportion d’enfants qui pourront être accompagnés. Il y a peut-être des réflexions à avoir sur les prescriptions faites par les MDPH (**) et leurs adaptations aux besoins d'accompagnement des enfants.
Comment remédier à la crise des vocations d'enseignants ?
C'est toujours difficile, mais c'est tout l'objet de la réforme de la formation initiale que je souhaite porter et déployer. Nous avons divisé par deux le nombre de postes non pourvus aux CAPES de mathématiques et de lettres modernes grâce aux revalorisations depuis deux ans. Mais il faut aller plus loin en élargissant notre vivier de recrutement dès la licence, puis en formant tout au long du master pour que les profs se sentent prêts à enseigner.
"Sur les atteintes à la laïcité,pas un soutien ne doit manquer"Comment la réforme Blanquer est-elle perçue ? Certains enseignants pointent une perte de cohésion au niveau du groupe classe…
Je suis très pragmatique. Je continue mes déplacements sur le terrain et je prends en compte tous les témoignages des professeurs rencontrés. Pour le moment, j’ai des retours plutôt positifs, tant des professeurs que des élèves. Il n’y a pas d’aménagement prévu. Il y a une réflexion à mener sur l’enseignement des mathématiques. Je rendrai des arbitrages dans les prochains jours ou semaines, sur notamment la manière de vérifier le niveau de mathématiques en classe de première.
Ce mois-ci, une élève a giflé une enseignante, avec comme élément déclencheur la question de la laïcité. Après une hausse en 2023, où en est-on cette année ?
En septembre 2023, nous étions à 838 cas contre 110 en septembre 2024 s’agissant du port de signes religieux. Ce que l’on voit progresser très sensiblement, ce sont les contestations d’enseignements. Et ça, c’est totalement inacceptable. Après avoir discuté avec un certain nombre d’enseignants, ils m’ont demandé qu’on renforce le corpus, le contenu académique de ce qu’est la laïcité et, par ailleurs, que l'on renforce également la pédagogie de la laïcité. On a aussi besoin de former systématiquement tous les assistants d’éducation, les AESH également. Sur ce sujet, comme sur celui des menaces ou des violences, pas un soutien ne doit manquer.
"Je travaille pour une institution"Pour finir, une question plus politique : comment travaille-t-on dans un gouvernement en sursis ?
Alors comme je l'ai fait durant toute ma carrière, je travaille, j’avance et je mets un pied devant l’autre. Je me bats pour mon ministère, pour la réussite des élèves et l’ensemble des agents de l’Éducation nationale.
Florence Clavaud-Parant et Sébastien Dubois
(*) Accompagnant des élèves en situation de handicap
(**) Maison départementale des personnes handicapées