Le tribunal correctionnel de Paris interroge Marine Le Pen au procès pour soupçons d'emplois fictifs d'assistants de députés européens qui la vise, avec 24 autres personnes et le Rassemblement national. Le procès se poursuit jusqu'au 27 novembre. Catherine Griset, Micheline Bruna et Thierry Légier sont mis en examen pour recel de détournement de fonds publics.
Quelles missions ont été effectuées par ces 13 assistants parlementaires rattachés à des eurodéputés FN ? C'est ce que s'emploie à déterminer le tribunal correctionnel de Paris depuis le 30 septembre 2024. La justice les soupçonne d'avoir travaillé pour le parti, tout en étant rémunéré par le Parlement européen. Depuis lundi 14 et jusqu'à mercredi 16 octobre, Marine Le Pen et quatre de ses assistants se succèdent à la barre pour s'expliquer sur les faits. Voici ce qu'il faut retenir de l'audience de ce mardi.
Catherine Griset : « Je suis une boite aux lettres »Catherine Griset, 52 ans, se présente comme « la première assistante de Marine Le Pen ». Embauchée au début des années 90 au Front national, elle a assisté quasiment sans discontinuer la figure du parti. « Ça fait 32 ans que nous travaillons ensemble », a-t-elle indiqué à la barre. La justice lui reproche d'avoir été assistante parlementaire accréditée de Marine Le Pen entre 2010 et 2016, alors qu'elle aurait été en réalité son assistante personnelle, puis sa cheffe de cabinet. Pendant sept heures, lundi 14 octobre, Marine Le Pen avait tenté de convaincre le tribunal que Catherine Griset travaillait bien pour elle dans le cadre de son mandat. Même s'il est avéré qu'elle n'a jamais réellement habité à Bruxelles, alors qu'elle y était obligée par la fonction. Et que son temps de présence estimé au Parlement est faible.
« Je suis montée à Bruxelles, je souhaitais prendre un appartement pour vivre avec ma fille, mais ça ne s'est pas fait. Je n'avais pas compris que je devais vivre tout le temps à Bruxelles », s'est défendue Catherine Griset à la barre, assurant qu'elle se rendait sur place « deux nuits » par semaine, logée chez Charles Van Houtte (comptable du FN et assistant parlementaire, lui aussi mis en examen). Pendant près de trois heures, Catherine Griset a expliqué n'avoir « absolument jamais travaillé pour le parti, mais pour Marine Le Pen ».
Ses missions consistaient principalement à « gérer l'agenda », les déplacements et les mails de la femme politique. « Je suis une boîte aux lettres », a-t-elle affirmé à la barre, face à une présidente dubitative. Catherine Griset a produit de nombreux documents censés prouver son travail d'assistante parlementaire, dont des mails, mais le parquet a surtout relevé que certains avaient été « retravaillés » et des passages effacés. « J'ai peut-être enlevé des noms, je ne m'en souviens pas », a répondu l'intéressée, aujourd'hui elle-même eurodéputée.
Micheline Bruna : « Je ne me posais pas de question »Micheline Bruna comparaissait ce mardi pour avoir été attachée parlementaire de Marine Le Pen pendant trois mois à l'automne 2012, alors qu'elle aurait été en réalité assistante personnelle de Jean-Marie Le Pen. Micheline Bruna a par ailleurs déjà été entendue au cours du procès pour des contrats liés à l'eurodéputé Bruno Gollnisch.
« À partir du moment où j'avais un contrat sur un député, j'avais du travail, je ne me posais pas de question. Pour un député ou un autre, c'était à peu près le même travail », a déclaré mardi l'intéressée. Sur la période où elle était rattachée à Marine Le Pen, Micheline Bruna a indiqué que son boulot consistait à transmettre des demandes à Catherine Griset, car « tous les appels arrivaient à Montretout ». « Je faisais le relai pour l'agenda, les journalistes, les réunions. J'étais là parfois plus de dix heures par jour », a-t-elle avancé.
Marine Le Pen s'est invitée à la barre pour tenter de démontrer que Micheline Bruna était « mutualisée » pour tous les eurodéputés FN de l'époque. « Elle travaillait avec nous trois, elle pouvait indifféremment être payée par Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch ou moi. »
Marine Le Pen s'est ensuite adressée à la présidente Bénédicte de Perthuis estimant qu'elle avait « mis en doute le sérieux avec lequel [elle] respectait les règles » lors de l'audience de la veille, alors que les règles du Parlement ont, selon elle, « été renforcées » depuis. « Ce n'est pas une gestion olé olé, je ne me suis pas moquée des règles applicables. »
Thierry Légier : « De plus en plus de menaces »Garde du corps de Jean-Marie Le Pen de longue date, Thierry Légier a été embauché en tant qu'assistant parlementaire à temps partiel de Marine Le Pen entre septembre et décembre 2009. À l'audience, l'intéressé a indiqué que son travail « consiste à la sécurité, la confidentialité et les missions d'organisation de déplacements », considérant que « les trois quarts des déplacements étaient soumis à des attaques d'opposants ».
Questionné par la présidente sur les raisons pour lesquelles il avait soudainement dû assurer la sécurité de Marine Le Pen, et non plus de son père, il a assuré qu'elle subissait « de plus en plus de menaces ». Le tribunal n'a pas manqué de rappeler que dans son livre Mission Le Pen, Thierry Légier écrivait « passer son temps avec Jean-Marie Le Pen ». Marine Le Pen a renchéri en déclarant : « Je ne veux pas dire du mal de Strasbourg et de Bruxelles, mais les rues sont de moins en moins sûres ». Elle a clamé « croire en la parfaite légalité » de ce contrat.
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À Paris, Sophie Bardin