C’est un texte qui dit, par sa forme même, une certaine façon d’appréhender la littérature. Gabriella Zalapì, plasticienne italo-suisse installée à Paris, poursuit son travail autobiographique entamé avec Antonia (2019) et Willibald (2022).
Dans ces romans construits à partir d’archives familiales, Zalapì organisait un dialogue entre textes et images, autour des parcours de sa mère et de son arrière-grand-père. Aujourd’hui, les mots ont pris le dessus. Pas de photos dans ce nouveau texte où l’héroïne est un double de l’autrice.
Antonia s’était enfuie d’Italie pour échapper à un mariage oppressant. Willibald était un collectionneur d’art juif autrichien contraint dans les années 1920 de s’exiler au Brésil. Ilaria raconte de nouveau une histoire de déplacement forcé, de vie bousculée. À huit ans, la petite fille est enlevée à la sortie de l’école par son père, qui l’embarque avec lui dans une cavale hallucinée à travers l’Italie.
Zalapì rassemble des fragments de ce voyage surréaliste du nord au sud d’un pays lui-même plongé dans la violence des années de plomb. De ce périple l’enfant ne saisit pas tout mais en perçoit le danger, embarquée malgré elle aux côtés d’un homme à la dérive, qui n’accepte pas le départ de sa femme, boit méthodiquement, hurle. Zalapì travaille dans la parcimonie pour traduire les sentiments d’une petite fille arrachée à sa vie. Et la suggestion minimaliste de la maltraitance – “papa devient fou. Il devient un cri” – finit par créer le trouble – “L’autre jour, il m’a appelé comme Maman, Antonia”.
Ilaria ou la conquête de la désobéissance de Gabriella Zalapì (Zoé), 176 p., 17 €.