Pou sûr, il aurait été fier, le Dany. Heureux comme tout de voir sa tuilerie, l’écrin d’une vie entière, avoir retrouvé tout son lustre. Et il aurait sans doute remercié chaleureusement, autour d’un petit canon, ceux qui ont contribué à redonner vie à cette ancienne fabrique où l’odeur d’argile n’avait au fond jamais disparu.Ces sauveurs de patrimoine, ce sont les bénévoles de l’association Val libre culture et patrimoine, qui s’est fait un devoir de préserver les trésors du pays du Donjon et ses environs.
Au début du chantier, il y a trois ans, l'ancienne tuilerie était dans un état de déshérence avancé.
Un collectif dont les membres, au milieu des années 2010, sont amenés à converser avec un sacré personnage. Il s’appelle Daniel Bresson, dit « Dany », dont sa famille a tenu une fabrique de tuiles à Lenax. Sa peine est grande de voir que celle-ci n’est plus qu’un amas de ruines depuis sa fermeture en 1976. « Banco », répondent alors les bénévoles : cette fabrique renaîtra de ses cendres, et deviendra un musée de la tuilerie !
"Quand on a commencé, le site était totalement à l’abandon. Le bois était pourri, il y avait des ronces, de la végétation, de l’eau."
« Cet endroit, on ne pouvait qu’en tomber amoureux », relate Patrice Laustriat, le président de l’association, qui s’entoure alors de plusieurs alliés pour lancer cette opération renaissance qui partait de loin. « Parce que quand on a commencé, le site était totalement à l’abandon. Le bois était pourri, il y avait des ronces, de la végétation, de l’eau. Par endroits, le toit était même écroulé. » En clair, il y avait du travail. « Mais surtout, un énorme potentiel. »
Durant le chantier, les bénévoles se sont attachés à remettre en état les anciennes machines.
Et rapidement, comme un coup de pouce du destin, le projet connaît un sacré coup de boost : il est retenu, en 2019, dans les sites régionaux éligibles au Loto du patrimoine. Deux ans et quelques milliers de tickets grattés plus tard, la Fondation du patrimoine (via sa fameuse Mission Bern) appelle les bénévoles de Val libre : une somme de 17.000 euros pourra leur être reversée. Tout sauf une paille.
Au total, près de 6.000 heures de travail« C’était une somme intéressante, évidemment, concède Patrice Laustriat. Mais à vrai dire, ça nous a surtout ouvert des portes… et des porte-monnaie. » Car après avoir touché ce premier gros lot, les aides financières ont afflué, émanant de mécènes ou de collectivités locales jamais mécontentes de voir des pans de patrimoine bourbonnais sauvés de la déshérence. Alors, il y eut de quoi largement financer des travaux de réhabilitation estimés à près de 80.000 euros. Des travaux qui ont mobilisé quelques professionnels de l’électricité et du terrassement, notamment.
Gagné par la végétation au fil des années, le tunnel de séchage a été rendu pleinement accessible et opérationnel, et abrite désormais une impressionnante collection de tuiles et briques.« Mais le reste, c’est nous, les bénévoles, qui l’avons fait », précisent non sans fierté Patrice et ses copains Gérard, Henri et Philippe. Qui tous ont placé au service du projet leurs compétences en matière de maçonnerie, de couverture et de bricolage en tout genre. « Au début, on nous a pris pour des fous, et le Covid a aussi mis un coup d’arrêt au chantier », précise la joyeuse bande. « Au total, on y aura passé plus de 6.000 heures, avec tout un groupe de bénévoles et l’appui de nos compagnes. On peut dire qu’on aura bossé, hein ! »
Déjà des visiteurs, et d'autres attendus pour les Journées du PatrimoineEt le succès a bel et bien couronné l’entreprise. Aujourd’hui, la tuilerie parait comme neuve : toiture refaite, pièces de stockage et zones de séchage réaménagées, four remis en état, tout y est. Les machines, broyeuses, presses et malaxeurs, fonctionnent même à nouveau. De là à refabriquer des tuiles ?
« On en a fabriqué pour le chantier, des gens nous en ont aussi donné pour qu’on les expose. Mais sinon, l’idée est bien de faire un musée, pour présenter et préserver ce qui était un vrai savoir-faire », note Patrice Laustriat. Qui, avec ses compères, a pu accueillir de premiers visiteurs dès cette fin d’été. Tous ont été reçus dans cette fabrique et cette maison où, sur ces murs qui l’ont entouré pendant toute sa vie, trônent des photos d’un Dany qui aurait eu bien des souvenirs à leur raconter.Daniel Bresson, dont l’arrière grand-père Jean Quéret avait créé la tuilerie, aurait été fier de voir l'ancienne tuilerie sauvée de l'abandon.
Ecomusée.? Le musée de la tuilerie accueille des visiteurs du jeudi au dimanche, de 14 à 18 heures, jusqu’à la fin septembre. Dès le 1er octobre, ouverture sur rendez-vous. Tarifs : de 6 à 8 €. Visites accessibles aux groupes, aux scolaires et aux personnes à mobilité réduite. Au 3, chemin de la Tuilerie, à Lenax. Tél. : 06.88.16.18.19.
Pierre Geraudie
Photos François-Xavier Gutton et Dominique Parat