Un combat sans relâche, toute l’année, que la rentrée permet de mettre en lumière. L’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap s’améliore en France, mais le chemin reste encore long. Selon le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, « plus de 490.000 élèves en situation de handicap seront scolarisés en milieu ordinaire » à la rentrée scolaire 2024. Un chiffre en hausse de 12,39 % par rapport aux 436.000 scolarisés cette année, qui dissimule toutefois de grandes disparités en son sein.
C’est en tout cas ce que révèle la dernière étude de l’Unapei, association de parents et de personnes en situation de handicap intellectuel. Menée auprès d’un échantillon de 2.103 enfants en situation de handicap, accompagnés par ses antennes locales, l’opération révèle que 27 % seulement d’entre eux ont accès à plus de 12 heures de cours par semaine, 22 % entre 6 et 12 heures et 28 % à moins de 6 heures d’enseignement hebdomadaire. Pire encore, 23 % de ces enfants, dont l’âge peut aller jusqu’à 16 ans, n’ont aucune heure de scolarisation par semaine.
Une iniquité de traitementUne situation alarmante, résultant d’« une vraie iniquité de traitement entre un enfant dit ordinaire et un autre élève qui a des besoins plus ou moins importants d’accompagnement », déplore Sonia Ahehehinnou, vice-présidente de l’Unapei. Le simple fait que « l’on donne un chiffre, veut déjà dire que tous les enfants en situation de handicap n’ont pas accès à l’école, rappelle-t-elle, chaque élève quel qu’il soit a besoin et a le droit, au même titre qu’un autre, d’avoir accès aux apprentissages de base ».
L’Unapei appelle ainsi à « garantir la participation de tous les élèves, que ce soit dans une école de droit commun ou dans un établissement spécialisé, détaille la vice-présidente, en travaillant sur l’accessibilité de l’école et de ses équipements, afin que chacun puisse remplir sa mission ». Une adaptabilité qui nécessite avant tout de « comprendre le problème pour choisir une aide appropriée à l’enfant », explique-t-elle. Selon l’association, beaucoup d’enfants porteurs d’un handicap bénéficient d’aides « plus ou moins adaptées », ne correspondant pas nécessairement « à leurs besoins ».
Des efforts, mais pas assezMis en avant par la ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Nicole Belloubet, lors de sa conférence de presse de rentrée, l’enjeu des Accompagnants des élèves en situation de handicap (Aesh) intéresse particulièrement l’Unapei. Si la ministre démissionnaire n’a pas manqué de souligner la création « à cette rentrée de 3.000 postes supplémentaires d’Aesh, portant leur nombre total à 88.500 », cette augmentation laisse dubitative Sonia Ahehehinnou. « On voit aujourd’hui qu’on augmente les Aesh, mais qu’il reste toujours les mêmes problèmes, est-ce que c’est vraiment la solution ? ».
Selon la vice-présidente, les Aesh sont « un des outils pour permettre de rentrer dans l’apprentissage » mais ne peuvent pas être le seul. « Un élève en fauteuil roulant, l’Aesh va l’aider de façon physique à aller en classe ou à écrire », autrement dit « des choses qui peuvent être quantifiables dans le temps et dans l’organisation ». Mais les choses sont plus complexes dans de nombreux cas : « un élève dyscommunicant ou qui a des troubles sensoriels et à qui l’on doit répéter les consignes ou le rassurer, nécessite une approche particulière, ce qui n’est pas forcément quantifiable », informe Sonia Ahehehinnou.
« Prendre de la hauteur »Afin de mieux cerner les besoins des élèves concernés, l’Unapei relance cette année sa campagne « #JaiPasEcole » dans laquelle les parents sont invités à témoigner de leur expérience. Si « 945 » parents ont déjà témoigné « pour dénoncer le scandale des enfants en situation de handicap qui n’auront toujours pas école », l’association accuse les lacunes du gouvernement, malgré la promesse « dès 2019 d’une “École pleinement inclusive” ».
Le lancement de « cette campagne est parti du fait qu’on n’a pas d’observatoire à ce jour, qui permettrait d’avoir une idée précise de tous les besoins des enfants en situation de handicap pour mettre en adéquation la qualité et la quantité de scolarisation », détaille la vice-présidente. Et avant la rentrée, « il faut qu’on prenne de la hauteur, pour ne laisser personne sur la ligne de départ » conclut-elle.
Victor Delair