À Tbilissi, capitale de la Géorgie, la judoka iranienne Leila Hosseini (Arienne Mandi) affronte ses adversaires féminines dans l’ultime tournoi international pour les championnats du monde de judo. Son mari et ses proches, depuis Téhéran, se serrent dans leur appartement pour suivre de loin les compétitions devant leur petit écran. La sportive de haut niveau est cornaquée par son coach, Maryam (campée par Zar Amir, la coréalisatrice du film), l’une comme l’autre coiffées du hijab, comme il se doit, sous la surveillance des sbires de la République islamiste. Leila va-t-elle ramener la première médaille d’or de l’Iran ?
Mais voilà, le risque est grand que Leila, parvenue en finale, doive se battre contre une judoka native du Grand Satan : Israël. La police du régime s’active donc pour convaincre Leila de simuler la blessure qui l’empêchera de compétir contre l’athlète de la nation maudite. Perdre la face devant une Juive ? No way. La pression s’appesantit donc sur la famille restée au pays pour faire céder Leila. Pour échapper in extremis à l’arrestation, son mari s’enfuit, leur enfant dans ses bras; les services balancent à Leila, sur son smartphone qui n’arrête pas de sonner, les images de son propre père violenté… La menace pèse également sur l’entraîneuse, Maryan, et sur les siens, laquelle, également harcelée au téléphone par les ogres des mollahs, se sait piégée. Elle commence par implorer Leila de renoncer. Jusqu’à se colleter physiquement avec elle, sous le regard des organisateurs (anglophones) de la compétition, attentifs quoiqu’il en soit au strict respect du règlement sportif par toutes les puissances engagées dans la compétition. Rage de Leila, atermoiements de Maryan… Jusqu’au combat final, qui réconcilie les deux courageuses jeunes femmes dans leur lutte commune pour la liberté. Avec l’appui des autorités locales, l’exil, au bout du compte, sera leur échappatoire.
Le choix du noir et blanc n’est pas anodin : le blanc, couleur du kimono de Leila, s’oppose au noir des barbus et des tchadors, selon un parti pris esthétique « auteuriste » appuyé, qui s’adosse à la coopération professionnelle entre Guy Nattiv (le réalisateur des Nuits de Mashhad en 2022, film célébré à juste titre), et Zar Amir qui y fut l’actrice principale mais aussi la directrice de casting, et avait à cœur de passer un jour à la réalisation : la voilà donc ici des deux côtés de la caméra. La voix du commentateur survolté qui égrène en off le nom savant des prises de judo (du shimewaza au uchimata…) rend compte de la technique des combats, filmés comme à la télé, en plan serrés, de façon quelque peu répétitive à la longue pour le spectateur ignorant en matière de judo.
C’est un peu la limite de Tatami : il s’appuie sur un suspense désamorcé par avance, puisqu’on en connaît l’enjeu dès la première minute. La démonstration du caractère criminel de la dictature iranienne n’est plus à faire ; et comme la cause est entendue, le film paraît lui-même emprunter aux outils de la propagande pour nous asséner une sentence qui va de soi, contre un régime parfaitement haïssable – et haï, comme l’on sait, par la grande majorité des Iraniens eux-mêmes. Dès lors, Tatami déroule son tapis noir et blanc sans vrai motif de surprise.
Tatami. Film de Guy Nattiv et Zar Amir. Avec Arienne Mandi, Zar Amir. Georgie / Etats-Unis, noir et blanc, 2023. Durée : 1h43.
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