La pièce vestimentaire la plus érotique que vous possédez ?
Je n’aime pas le mot “érotique”. Il me fait penser à une lapalissade, ou au mot “coquin”, tout aussi crétin. Les hommes se demandent-ils s’ils ont des vêtements érotiques ? Je préviens que je n’aime pas non plus le mot “sexy”. À tout prendre, je préfère le mot “olé olé”, qui a quelque chose de décalé et de très joyeux. Mais je ne veux pas fuir votre question : ma pièce la plus olé olé, c’est une paire de sandales, 3 cm de talon, avec la bride sur la cheville. Mais c’est peut-être juste ma cheville qui est olé olé.
Le dernier vêtement ayant suscité du désir chez vous ?
Je désire les vêtements en tant que tels. Même un habit à plat sur un lit, je trouve ça charnel et intéressant. Mais sinon, et encore une fois pour répondre à la question, je viens de voir une sorte de nœud papillon en papier aluminium sur une chemise blanche perlée portée par l’acteur Josh O’Connor, et j’ai eu un frisson. J’aime les bijoux pour hommes, je trouve que ça fait rêver. J’aime aussi les hommes en smoking de velours. J’en ai vu récemment à un dîner du Centre Pompidou, il y a quelque chose de si doux là-dedans. La douceur me donne du désir. Seule la douceur me donne du désir.
La Fashion Week, est-ce que ça s’apparente au sexe ?
Disons que cela a à voir avec la libido, oui. Du moins, pour celles et ceux d’entre nous, dans la mode, qui font vraiment cela par amour du vêtement. L’amour du vêtement est un désir du vêtement. Et je ne crois pas qu’il soit là question d’être voyeur ou voyeuse ; on est vraiment incorporé aux habits, ils sont nous, on n’est pas à l’extérieur. Pour les livres, j’ai déjà remarqué que le corps désire en écrivant. Il ressent des émotions, certes, mais éprouve aussi des sensations. C’est pour ça que l’angoisse de la page blanche m’a toujours semblé une angoisse très masculine. Une pression de la performance. Moi, quand j’écris, c’est un flot.
Pour le 1er avril, vous avez posté “Sophie just had sex” en guise de poisson d’avril…
Je savais que la phrase surprendrait et ferait rire. Une femme m’a écrit pour me dire que je me dénigrais, elle trouvait que je n’avais pas le droit de faire de l’humour sur ma “misère sexuelle”. Je lui ai répondu que l’absence de vie sexuelle n’avait rien d’une honte ni d’une affliction. Cela peut être une misère, mais dans mon cas, je parlerais plutôt de frugalité.
L’humour et le sexe font-ils bon ménage ?
J’ai dévoré, plus jeune, la littérature psychanalytique sur le rire, le trait d’esprit. J’ai adoré apprendre que faire rire quelqu’un, c’est le faire jouir. C’est aussi détourner le plaisir sexuel en plaçant toute l’énergie ailleurs. Le plaisir est pris, en quelque sorte. Voilà pourquoi on dit souvent que le rire coupe tout, dans l’intimité. Il ne coupe pas tout, il déroute, il émulsionne. C’est évidemment cette école buissonnière qui me passionne. Par ailleurs, je trouve que le rire même a une connivence intéressante. Le bon rire, en amour, n’est pas une arme mais un charme.
Dans L’Envie (2011), vous racontiez le fait de ne plus faire l’amour : est-ce que ce sujet est toujours la pire insubordination en 2024 ?
Les choses changent. Beaucoup de jeunes découvrent qu’ils peuvent vivre sans faire l’amour, que ce n’est pas un sport qu’il faudrait pratiquer sans cesse sous peine de perdre ses aptitudes. Cela ne veut pas dire que la sexualité ne les attire pas, mais ils n’en font plus une case à cocher sur le CV. Maintenant que cette question commence à se régler, reste la façon dont on fait l’amour, encore soumise à des tas d’idées toutes faites. Le grand dossier à venir sera cette insatisfaction, qui prouve qu’on s’y prend peut-être mal. Pas tout le monde, bien sûr. Nous avons à réapprendre l’émerveillement, la douceur, le miracle, le temps, l’attention.
La phrase la plus sensuelle écrite ou lue ?
“Il enleva d’une chiquenaude un brin de poussière sur l’irréprochable dentelle de ses habits”, de P. G. Wodehouse, dans la série Jeeves. J’ai toujours adoré la grande élégance. Je trouve qu’elle donne accès au corps d’une façon élaborée et divine. La nudité, dont j’ai parlé dans Capitale de la douceur (2021), est pleine de chasteté à mes yeux.
Une découverte récente sur le sexe ?
Qu’on ne se touche plus. On a tellement mis en garde tout le monde avec les gestes déplacés qu’on n’ose plus placer aucun geste. On en oublie que toute approche physique de l’autre n’est pas un geste déplacé. Avec cet homme, nous nous faisions du charme et il s’est collé à moi récemment, par surprise. Cela m’a fait penser aux slows de ma jeunesse. Je l’ai éconduit car je pense qu’il le fait avec beaucoup de femmes. Il n’avait aucune violence. Juste, il venait au contact.
Que fait-on après le sexe ?
Je vous dirai.
Quel conseil auriez-vous aimé entendre plus jeune ?
Si ce que tu aimes, c’est juste qu’on te gratte le dos, ne laisse personne te sodomiser par la même occasion.
Admirable de Sophie Fontanel (Seghers), 208 p., 20 €. En librairie.