Une étrange créature féline débarque sans crier gare sur son scooter. Prénommé Anzu, ce chat anthropomorphe, devenu immortel, se comporte avec une audace déconcertante, défiant les conventions et les lois, comme lorsqu’il fonce à vive allure en moto, sans permis, sur les routes de campagne.
Il endosse le rôle de précepteur de Karin, une jeune orpheline de 11 ans qui, après l’abandon de son père, est envoyée à la campagne chez son grand-père, un moine qui cohabite dans un temple avec le chat.
Loin de s’aventurer en terra incognita, Karin suit les sentiers battus de la japanimation à travers un voyage initiatique onirique dans la splendeur des montagnes de l’archipel nippon. Ce chemin emprunté se singularise néanmoins par le recours à la rotoscopie, une technique relativement rare dans le panorama de l’animation japonaise qui consiste à tracer des images animées par-dessus des séquences filmées. La première partie, composée d’un conglomérat de séquences hétéroclites, s’articule autour de la confrontation joyeuse entre Karin et Anzu, dont les blagues pétomanes suffisent à cerner la portée séditieuse du récit.
En charriant avec lui l’imaginaire du Voyage de Chihiro, le film opère dans sa seconde partie sa mue fantastique lorsque la jeune fille souhaite revoir sa défunte mère et la ramener dans le royaume des vivant·es. Les visions fantomatiques d’Anzu la conduisent à sceller un pacte avec une divinité, lui permettant de franchir les seuils d’un outre-monde carrollien, à la poursuite de la figure maternelle.
Toutefois, la transgression des frontières entre le monde des mort·es et celui des vivant·es n’est pas sans périls. Cette catabase est bientôt déstabilisée par l’irruption d’une horde de démons folkloriques qui, dans une traque haletante, pourchassent les deux comparses jusque dans les rues de Tokyo. C’est dans ce dédale que le voyage initiatique déploie son faste visuel et sa réflexion sur l’entrée douloureuse dans le monde des adultes pour des adolescent·es encore réticent·es à laisser derrière elleux leurs rêves d’enfant.
À l’instar d’Anzu, le film tisse un lien entre les mondes. Il marie deux styles d’animation au sein d’une coproduction franco-japonaise inédite, réunissant la légendaire Shin-Ei Animation et le studio Miyu Productions. Oscillant constamment entre prosaïsme et onirisme, harmonie et chaos, Anzu, chat-fantôme semble tout entier conçu comme une mise en pratique de ce principe chancelant.
Anzu, chat-fantôme de Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita. En salle le 21 août.