De mai à octobre, l’association syndicale libre puy de Dôme et Grand Sault et celle des puys de Côme, Suchet, Souis et Balmet font pâturer des troupeaux de brebis et de vaches, en estive sur les flancs de la Chaîne des puys, dans la commune de Ceyssat.Précieuse pour les éleveurs, cette pratique du pastoralisme l’est aussi pour l’environnement puisqu’elle permet de maintenir ouverts des paysages qui, sinon, se refermeraient, gagnés par les friches.
Assurer la pérennité du pastoralismeMais si les volcans d’Auvergne sont bien un gros réservoir d’eau, celle-ci ne ressurgit pas sur le territoire, et, passé les bacs de Montmeyre, Ceyssat et « le bac du loup », il n’y avait aucun point d’eau pour les animaux.Jusqu’à cet été, les éleveurs devaient donc transporter des citernes en fonction des besoins, ce qui nécessitait des passages fréquents de véhicules : une cadence élevée quand on sait qu’une brebis boit au moins quinze litres d’eau par jour… et une vache jusqu’à cent litres. Et donc un risque de dégradation de ces chemins.
Une conduite de 1,8 kilomètre de longPour assurer la pérennité du pastoralisme sur ce secteur, une alimentation adaptée et raisonnée en eau potable devenait indispensable, et les deux associations en avaient le projet depuis près de dix ans (voir ci-dessous).Elle vient d’être créée par un raccordement au branchement de la cabane du berger, en bas du Chemin des chèvres, au pied du puy de Dôme (sur la commune d’Orcines) jusqu’au lieu-dit "La Fumade".Cette conduite de 1.800 mètres de long et de 40 millimètres de diamètre a été réalisée fin 2023 par l’entreprise Planchat, de Ceyssat, et permet de créer un point d’eau à La Fumade et un autre à la Cime de la plaine. Et un prolongement sera possible ultérieurement sur Chabanne-Vieille.
Financé par le Département et la Fondation Chaîne des puys - Faille de LimagneLa préparation du chantier et son suivi ont été assurés par les agents du Conseil départemental et du Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne, qui devaient s’assurer de la prise en compte des prescriptions liées au site classé et au respect des habitats Natura 2000.
Pour limiter l’impact des travaux, le tracé de la conduite a suivi un chemin existant sur la plupart du linéaire (GR4-441). L’eau emprunte ainsi huit kilomètres de conduites, passant par le col de Ceyssat puis le sommet du puy de Dôme avant de redescendre sur le flanc nord du site.
Brebis en estive sur la Chaine des puys.
Ce chantier a coûté 40.000 € HT (avec les pupitres d’information) financés à 80 % par le Conseil départemental (32.000 €) et la fondation Chaîne des puys-Faille de Limagne à hauteur de 16.000 €.Plan de gestion. L’activité pastorale est censée préserver la lisibilité des paysages dans la Chaîne des puys au titre du classement Unesco. Un des axes du plan de gestion du site est, en effet, « la préservation de l’intégrité et la lisibilité des édifices géologiques et des paysages, et l’action sur les activités qui les façonnent ».
D’emblée, le Conseil départemental du Puy-de-Dôme s’est engagé aux côtés des associations, tout comme le Parc naturel régional des Volcans, et une étude de faisabilité a été lancée en 2015, dans le cadre de la mise en œuvre du plan de gestion du puy de Dôme labellisé Grand site de France.
Michèle BOUDOIN et son troupeau
Michèle Boudoin, présidente de l’ASL puy de Dôme et Grand Sault, est éleveuse de brebis et productrice d’agneaux à Ceyssat, où elle est installée depuis 2003, et également présidente de la fédération nationale ovine.
Elle voit avec soulagement l’aboutissement du projet : « Cela a mis longtemps, parce que nous sommes sur un site triplement classé, avec le label Grand site de France, le classement au patrimoine de l’Unesco, ainsi que des parcelles classées Natura 2000 dont il faut préserver les habitats. Cela fait de multiples prescriptions à prendre en compte ».
"Il faudra aussi couper des noisetiers qui colonisent"Aujourd’hui, avec le point d’eau de la Cime de la plaine pour l’association qu’elle préside, et celui de la Fumade pour l’ASL présidée par Christian Pichon, la satisfaction est au rendez-vous : « L’acheminement de l’eau représentait chaque fois trois heures aller-retour, c’est un temps précieux gagné pour les éleveurs » apprécie Michèle Boudoin.
Pour l’agricultrice, qui élève 500 brebis sur 90 hectares, l’estive est indispensable pour ne pas manquer de fourrage. Et l’eau potable en accès direct est incontestablement un plus sur le plan du bien-être animal, qu’elle souligne.Le « prochain chantier » qu’elle espère pouvoir engager, c’est « le girobroyage des noisetières qui colonisent les pâturages, refermant des sentiers et altérant la lisibilité des paysages, ce qui pourrait même un jour menacer le maintien du classement Unesco. Pour reconquérir le domaine pastoral, on se devra de couper des noisetiers ».
Appel au civisme des touristes - Reste « le risque de surfréquentation du site » et Michèle Boudoin fulmine particulièrement « contre l’attitude irrespectueuse des Clermontois » : « Le 15 août, j’ai dû redescendre un troupeau ; on trouve les parcs ouverts, des panneaux avec les règles de fréquentation du site arrachés ; ils indiquent que les chiens doivent être attachés, que les feux sont interdits, que les bivouacs sont interdits... ce qui n’est pas respecté, surtout au mois d’août ».
Laurence Coupérier