Après sa décision de retirer «avec effet immédiat» son ambassadeur à Paris, l'Algérie a annoncé, le 31 juillet, par la voix de son chef de la diplomatie, d'autres mesures à venir contre la France. Alors que le président français Emmanuel Macron a apporté son soutien au plan d'autonomie marocain pour le Sahara occidental, théâtre d'un conflit vieux de près de 50 ans, la presse française s'inquiète d'une nouvelle crise diplomatique d'ampleur qui s’ouvre entre les deux pays.
Les réactions sont enflammées. «La France affronte la colère d’Alger», titre Le Monde. «Vers une ère de glaciation entre Alger et Paris ?», se demande Mediapart. «Le début d’une ère glaciaire», tranche de son côté Libération, alors que Le Figaro, beaucoup plus alarmiste s’interroge : «La France doit-elle craindre un arrêt des exportations de gaz algérien ?».
«Quelles conséquences pour les entreprises françaises?», interroge encore BFMTV. «Pourquoi le choix du plan marocain par Emmanuel Macron a-t-il mis le feu aux poudres avec Alger ?», cherche à expliquer Cnews, alors que Ouest France s’emploie à contextualiser les tensions : «Qu’est-ce que le Sahara occidental, au cœur d’un conflit en Afrique du Nord ?». «Crise de nerfs à l’algérienne», ironise pour sa part le JDD qui semble prendre moins au sérieux ces tensions.
En tout cas, les médias français sont unanimes : «avec le Sahara occidental, les crises diplomatiques entre Paris et Alger n'en finissent plus», comme le relève France 24.
«Le retrait de l'ambassadeur est un premier pas qui sera suivi par d'autres», avait déclaré en conférence de presse le 31 juillet Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères. Selon lui, le président français Emmanuel Macron avait averti son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune de cette décision lors du sommet du G7 de juin en Italie et le président algérien avait exprimé «son désaccord par une réponse forte».
«La décision française ne sert pas le règlement pacifique de la question du Sahara occidental» et «va à l'encontre des efforts diplomatiques de l'ONU et de certains acteurs internationaux», avait affirmé Ahmed Attaf. Paris «bafoue la légalité internationale, prend fait et cause pour la négation du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et se démarque de tous les efforts patients et persévérants déployés par les Nations Unies» pour «parachever la décolonisation du Sahara Occidental», a encore déclaré Alger, dénonçant la «légèreté et la grande désinvolture» de la France.
Plus tôt, Emmanuel Macron avait affirmé, dans une lettre adressée au roi du Maroc Mohamed VI, le soutien de la France au plan d’autonomie de Rabat pour le Sahara occidental, Paris considérant désormais ce plan comme «seule base» pour le règlement du conflit. «Le présent et l'avenir du Sahara occidental s'inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine», avait écrit Macron dans cette lettre rendue publique par l'Elysée.
Le 25 juillet, l’Algérie avait déjà fermement condamné un «imminent» soutien de la France au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental. Dans un communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères avait exprimé son «grand regret» et sa «profonde désapprobation», qualifiant cette décision de «surprenante, inappropriée et contre-productive».
Désormais actée, cette décision déclenche une crise diplomatique de grande ampleur entre Paris et Alger, dont les relations sont déjà tendues. Alors qu’Alger avait rompu ses relations diplomatiques avec Rabat en août 2021, Paris a réenclenché en février dernier un processus de réchauffement avec le Maroc, au risque de détériorer davantage les relations avec l’Algérie qui sont au plus bas depuis des années.
Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, est considéré comme un «territoire non autonome» par l’ONU en l’absence d’un règlement définitif. Depuis près de 50 ans, un conflit armé y oppose le Maroc aux indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l’Algérie voisine.
Rabat prône un plan d’autonomie sous sa souveraineté exclusive, tandis que l’Algérie et le Polisario réclament un référendum d’autodétermination sous l’égide de l’ONU, prévu lors de la signature en 1991 d’un cessez-le feu, mais jamais concrétisé.