"Franchement la poisse je ne l'ai pas, Je suis plutôt chanceux. Pas mal de gens se blessent, mais aujourd'hui j'ai toujours réussi à revenir. C'est mes troisièmes Jeux, je me suis toujours qualifié pour ça. C'est une chance", souligne le sportif de 34 ans, seule chance de médaille pour la gymnastique artistique française, aux anneaux dimanche.
"Et il était inconcevable pour moi de passer à côté de ces Jeux à Paris. Jamais de la vie ! La prochaine fois qu'on aura les Jeux (d'été) en France, on sera sûrement morts", poursuit-il, les yeux pétillants, à l'occasion d'une rencontre avec des journalistes.
Samir Aït Saîd, c'est l'histoire d'un gymnaste qui excelle aux anneaux, avec notamment un titre européen en 2013 et une médaille mondiale en 2019 (bronze).
Il se qualifie pour ses premiers Jeux en 2012. Mais quelques semaines auparavant lors des championnats d'Europe, il se blesse sérieusement au genou droit au saut et doit se faire opérer. Il doit renoncer aux JO de Londres.
A Rio en 2016, il bouillonne d'impatience pour tenter de décrocher sa médaille olympique. Au saut - encore - auquel il participe pour se mettre en jambes avant les anneaux, il se fracture le tibia et le péroné, à la réception. Les os craquent bruyamment et le gymnaste se tient la cuisse alors que, sous le genou, le membre ballote, désossé.
Un clou
"Il me reste un clou dans le tibia. Voilà ce qu'il me reste", répond Aït Saïd quand on lui demande de revenir sur ce souvenir. "J'ai très vite accepté mon destin, entre guillemets. Mon sort."
"Après, franchement, il y a pire pour moi que les échecs dans le sport. La vie continue. Je n'ai pas peur d'échouer. Et je n'ai pas honte, surtout d'échouer", prévient-il.
Après un long parcours pour se rétablir, le licencié d'Antibes (Alpes-Maritimes) se prépare pour les Jeux de Tokyo, où il sera un porte-drapeau heureux, avec un salto arrière mémorable durant la cérémonie d'ouverture qui en a inquiété plus d'un pour la suite de la compétition.
Tout se passe pourtant bien, il finit 3e des qualifications aux anneaux. Mais il se blesse au biceps gauche deux jours avant la finale. Il restera au pied du podium.
Après cette blessure qui l'a "vachement traumatisé", AÏt Saïd a regardé droit devant vers Paris. Entraîné par Kévin Dupuis à Antibes, il a changé son mode de fonctionnement il y a un peu plus d'un an pour venir se préparer une semaine par mois à l'Insep. Une préparation de forçat avec un travail foncier d'une intensité qu'il n'a jamais vécue, souffle-t-il.
Grosses qualités
"Quand on voit le travail qu'il a fait pour pouvoir en arriver là et les objectifs qu'il s'est fixés, qu'il a réussi à atteindre, c'est très fort, c'est impressionnant", relève le coach auprès de l'AFP.
"Samir a de grosses qualités physiques pour cet agrès. On sait qu'il est fait pour ça. Maintenant il faut qu'il arrive vraiment à 100% de ses capacités", prévient Dupuis, qui ne "ressasse pas" les blessure du passé dans ses échanges avec le champion.
Pour l'ex-gymnaste Yann Cucherat, qui a pris part à cinq JO, et qui connait bien l'Antibois, Samir Aït Saïd est de la trempe des grands champions.
"Ca n'a pas toujours été simple pour lui, il y a des choses liées à des blessures et aussi à des pertes de motivation à certains moments. Et de réussir à trouver des solutions pour se qualifier aux Jeux, de manière individuelle, avec la pression que ça supposait, il faut être hors norme dans la tête", souligne Cucherat à l'AFP.
Dimanche, Samir Aït Saïd s'alignera aux anneaux, avec son papa dans un coin de la tête (il est décédé en 2019) et les yeux admiratifs de sa fille de 3 ans en tribune.