Invité par l'AFP à évoquer son odyssée catalane glorieuse, l'ancien pongiste âgé de 55 ans, exprime d'abord "sa fierté" de voir un môme de 17 ans, au talent inouï, sur le point d'écrire une des plus belles pages du "ping" français, s'il remporte dimanche le match pour la 3e place du simple hommes.
Lui s'était offert l'opportunité unique de décrocher l'or, mais il avait échoué en finale face au Suédois Jan Ove-Waldner, considéré comme le plus grand pongiste non asiatique de l'histoire.
"Je me suis pas trop refait le film, je n'ai pas revu la finale d'ailleurs. Je ne pense pas que je changerais quoi que ce soit dans la préparation. Si je dois citer un moment particulier, c'est les deux balles de troisième set que je ne conclus pas... Mais on ne va pas refaire l'histoire. Il était au-dessus", rembobine Gatien.
A l'époque, quand arrive l'heure des Jeux à Barcelone, le Français est N.1 mondial et donc prétendant légitime à une médaille.
"Bluffant"
"Il y avait beaucoup d'attentes. Je m'étais préparé pour ça. J'avais aussi essayé de mieux réguler mon comportement qu'à Séoul en 1988, où je découvrais tout. Ca m'avait aidé à comprendre à quel point il est important de trouver le bon compromis entre savourer cet événement hors normes et réussir à conserver ta routine qui te permet d'être dans ta compétition", dit-il.
"Et en ce sens, je trouve que Félix a parfaitement géré ces Jeux à la maison", enchaîne Gatien. "Il est entré dans son tournoi sans être perturbé. Tous les volets un peu parasites, cette vie au village qui est déconcentrante, cette cérémonie d'ouverture qui a été hallucinante. Tout ça, il l'a évacué, ça a glissé sur lui. Il a été bluffant."
Le cadet des Lebrun avait aussi de solides raisons de croire en son étoile: tête de série N.3, il a évité de tomber sur un des deux cadors chinois avant les demi-finales. A ce niveau de la compétition, Fan Zhendong (N.4) s'est dressé devant lui, se montrant intraitable, "tout simplement plus fort".
A Barcelone aussi, il n'y avait qu'un joueur représentant la Chine dans le dernier carré, Ma Wenge. Mais cette fois-là, Gatien l'avait battu pour se hisser en finale.
Ensuite, à partir de 1996 à Atlanta, la Chine a toujours vu ses deux pongistes engagés monter sur les podiums. Une série stoppée à Paris donc, même si Fan peut à son tour ramener l'or au pays.
"Habité"
"Le scénario est similaire, mais l'époque est différente", tempère Jean-Philippe. "Je n'aime pas ces comparaisons, ce n'était pas le même tennis de table. Félix, c'est sa compète. Je n'aime pas qu'on lui mette du Gatien dans les pattes."
"La seule différence entre mes Jeux et les siens, c'est qu'en gagnant mon quart, j'étais certain au pire de prendre le bronze, car ils donnaient deux médailles. Lui n'a pas encore ce soulagement. C'est une différence énorme", ajoute-t-il.
Ce soulagement, Félix l'aurait probablement ressenti s'il avait battu Fan Zhendong. Il lui faut se remobiliser pour ne pas passer à côté d'une si rare opportunité de médaille olympique, fut-elle moins clinquante en bronze. Et ce même s'il a tout l'avenir devant lui pour faire mieux.
Gatien, qui avait 23 ans à Barcelone, est devenu champion du monde l'année suivante. "On me demande souvent si j'aurais aimé échanger un titre olympique avec celui-ci. Non, parce que c'est mon cheminement. Si je n'avais pas vécu cette expérience aux Jeux, j'aurais peut être aussi perdu la finale des Mondiaux."
Et de conclure: "Nathanaël Molin, coach de Félix, dit qu'il y a les joueurs qui deviennent champions et ceux qui naissent champions. Félix est né champion. A sept ans, il s'est dessiné sur un podium, en écrivant +je veux gagner une médaille+. Moi, à aucun moment, au même âge, j'avais ça en moi. Lui, il est habité".
