Il y a une fausse note au coeur du cliquetis de médailles tombant depuis samedi. Entre l'escrimeur Romain Cannone ou les rameurs Hugo Boucheron et Matthieu Androdias, privés de podiums, Clarisse Agbégnénou devant se contenter du bronze et les débuts délicats des handballeurs français, il ne fait pas bon connaître le chemin de l'Olympe depuis samedi.
L'olympiade réduite par le report d'un an des JO de Tokyo a obligé à basculer en seulement trois ans, d'une consécration trop vite digérée à une forme de sommation à la rééditer en France pour les intéressés.
Sans doute Matthieu Androdias n'imaginait-il pas remiser les avirons dès les demi-finales mardi mais le rameur brillant avait identifié le syndrome. "Ce que j'ai pu sentir de différent, c'est qu'après Tokyo tout de suite on tape sur l'épaule et on te dit +Paris-2024+", avait-t-il livré en septembre à l'AFP.
"Et ça, ce n'est pas neutre. Même si c'est dit avec beaucoup de bienveillance, de bonnes ondes et que ça peut venir de proches. C'est lourd à force. C'est un truc que tu emmènes avec toi dans ton sac à dos et qui peut être pesant."
"Le pays organisateur, c'est nous. Les politiques, ceux qui ont mis de l'argent sur la table, forcément, ils veulent un retour sur investissement", avait ajouté son compère Hugo Boucheron lors d'un entretien séparé à l'AFP. Je ne sais pas si +pression+ est le mot mais ils veulent que ça se passe bien. Et nous, on fait partie des pions devant faire en sorte que ça se passe bien."
Interlocutrices du monde politique, via l'Agence nationale du sport, les fédérations ont pu se trouver sous tension. Androdias avait évoqué le mois dernier des "turbulences" entre eux et la direction technique nationale après leur contre-performance à Lucerne en mai. Un épisode présageant autant leur raté de mardi que confirmant cet environnement tendu.
"Est-ce que c'est nouveau ? Oui"
"Moi je n'aimerais pas être à leur place, reconnaissait Matthieu Androdias le mois dernier. A celle des athlètes non plus d'ailleurs, mais je trouve ça normal. Est-ce que c'est nouveau ? Oui."
La convocation l'été dernier de l'état-major de la Fédération française d'athlétisme par la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra après les Mondiaux calamiteux de Budapest --une seule médaille-- est l'un des symptômes de cette survigilance politique.
Interrogé sur cette situation inédite et le fardeau du sortant, Olivier Krumbholz, sélectionneur de l'équipe de France féminine de handball sacrée à Tokyo, observe dans un entretien à l'AFP que "la pression et l'enjeu viennent du fait que, pour ces Jeux à Paris, l'Etat a fixé un objectif de doubler les médailles."
"Et évidemment, la grande fierté du sport français à Tokyo, c'étaient les sports collectifs. Donc il faut qu'ils fassent des médailles et montrent la voie", poursuit Krumbholz.
Le message est passé, confirme son homologue de l'équipe masculine, elle aussi dorée à Tokyo, sans y voir un changement total de paradigme. "C'est certain, livre Guillaume Gille à l'AFP, qu'il y a plus d'attente verbalisée autour de Paris parce qu'on reçoit les Jeux, et que politiquement il y a toute une démarche mise en place et l'idée qu'il faut faire des médailles."
"Mais qu'est-ce que ça change historiquement pour nous, le handball français ?", sourit "GG". "A l'Euro, au Mondial, tout le monde s'attend à ce qu'on gagne."