Pendant de longues secondes, il a fait tournoyer un poing rageur au-dessus de sa tête, sous les vivats de la foule. Puis Stéphane Landois a levé les yeux au ciel et pointé son index vers les cieux. Et le public a compris…
En ces instants suspendus, dans un vacarme assourdissant, un tourbillon d’émotions a dû l’étreindre, lui cogner dans la poitrine. L’immense joie, bien sûr, de décrocher une médaille olympique, à la maison, dans le fabuleux décor de Versailles, où l’atmosphère était lundi au diapason de la météo, très chaude. Et puis bien d’autres sentiments…
Car pour lui, la mission était encore plus grande que cela. Il ne concourait pas seulement pour sa gloire personnelle, ou pour l’équipe de France. Dans un coin de sa tête, et surtout de son cœur, il y avait Thaïs Meheust, son amie cavalière disparue voilà cinq ans et dont il montait lundi le cheval.
« Cette médaille, elle est pour Thaïs »Thaïs, petite brune au regard clair, était l’une des cavalières des plus talentueuses de sa génération. À seulement 22 ans, elle avait, d’après les spécialistes, un avenir tout tracé. Si le destin en avait décidé autrement, elle aurait peut-être été là, une étoile parmi les autres, sur le domaine du Roi-Soleil.
Mais le rêve et la vie de Thaïs Meheust ont été fauchés en septembre 2019, quand son cheval, Chaman Dumontceau, lui est retombé dessus lors d’un championnat de France, au Haras du Pin, dans l’Orne. Elle est morte sur le coup. Une tragédie qui a bouleversé bien au-delà de la communauté de l’équitation.
Peu après le drame, les parents de Thaïs ont proposé à Stéphane Landois de reprendre le cheval, dont leur fille était persuadée qu’il avait un immense potentiel. Landois était proche de Thaïs, l’avait entraînée pendant deux ans dans l’Eure, et puis il connaissait déjà Chaman, un beau hongre gris clair, pour l’avoir souvent monté.
« Je m’en sentais capable et, surtout, cela me paraissait un devoir de le faire pour montrer que c’était un bon cheval, et qu’il méritait de continuer. C’était pour moi une façon aussi de ne jamais oublier Thaïs », confiait le cavalier originaire de Nantes dans les colonnes du Parisien, peu avant les Jeux olympiques.
Dès lors, Stéphane Landois a rêvé pour deux, et a continué de faire progresser le cheval, dont le nom a été modifié en Chaman Dumontceau Ride for Thaïs. Une manière de faire vivre la mémoire de la jeune femme, aussi.
Médaillé de bronze au championnat d’Europe 2023 avec l’équipe de France de complet, là même où s’était produit l’accident quatre ans plus tôt, Landois est finalement parvenu à dompter une féroce concurrence pour se glisser dans la sélection olympique. Une première victoire. « Un rêve d’enfant qui se réalise, tant de travail et de sacrifices récompensés, et une étoile qui brillera encore plus fort dans le ciel versaillais », écrivait-il, en juin, sur les réseaux sociaux.
Lundi, l’émouvante histoire a trouvé un magnifique épilogue, avec cette médaille d’argent par équipes, partagée avec Nicolas Touzaint et Karim Laghouag, ses deux complices de l’équipe de France. Un trio au-dessus duquel veillait un petit ange-gardien…
« Cette médaille, elle est pour Thaïs, a évidemment confié Stéphane Landois, très ému. J’ai pensé à elle tout le week-end, j’ai fait tout ça pour elle, aussi. À l’arrivée, oui, j’ai pleuré un peu. Les gens savent tout ce que représente Chaman pour moi… »
Romain Léger