La roquette est tombée du ciel en plein match de foot, s’écrasant sur une douzaine de jeunes hommes âgés de 10 à 20 ans, samedi 27 juillet, dans la localité druze de Majdal Shams. Si ces jeunes hommes sont les premières victimes du plateau du Golan depuis octobre 2023 et le début de la guerre en Israël et le Hamas, ce territoire annexé aux deux tiers par l’Etat hébreu depuis plus de 40 ans est familier des affrontements israélo-arabes.
En cause : son caractère particulièrement stratégique dans la région. Le territoire est situé à l’est d’Israël et surplombant la mer de Galilée, et sa vue imprenable sur la Syrie et Israël lui confère une importance militaire capitale. A cela s’ajoutent d’importantes ressources en eau - plusieurs cours d’eau prennent ou traversent effectivement le Golan avant de se déverser dans le Jourdain - qui sont convoitées depuis des siècles.
Occupé par Hérode dans la Rome Antique, puis par les Francs et les Ottomans, le Golan - du nom biblique de cette région - était finalement devenu un territoire syrien en 1946. Jusqu’à ce que la question de l’eau devienne, au milieu des années 1960, l’une des principales cause du contentieux israélo-syrien. Damas avait alors accusé Israël d’avoir détourné les sources du Jourdain. De violents affrontements avaient éclaté avec l’armée syrienne, qui pilonnait les positions israéliennes en contrebas. Finalement conquis par Israël à l’issue de la guerre des Six jours en 1967, le territoire avait enregistré la perte de dizaines de milliers de Syriens ayant fui la guerre ou expulsés. D’autres avaient fait le choix de rester dans la zone occupée.
D’une surface de 1 200 km2, frontalier également du Liban et de la Jordanie, ce plateau a finalement été annexé par Israël le 14 décembre 1981, même si la Syrie réclame depuis sa restitution totale. Aujourd’hui, environ 25 000 Israéliens vivent aux côtés de quelque 23 000 Druzes, une communauté dont la religion est issue de l’islam. Ces derniers se revendiquent pour la plupart Syriens, tout en ayant le statut de résidents en Israël. Une nationalité largement rejetée par les habitants druzes, qui "entretiennent des liens étroits avec la Syrie depuis des décennies", souligne le journal américain New York Times.
Malgré des négociations israélo-syriennes ratées autour de ce territoire dans les années 1990, les habitants du plateau de Golan ont connu plusieurs décennies relativement paisibles. Jusqu’à ce que la zone gagne de nouveau en importance quand le Hezbollah et l’Iran - deux grands ennemis d’Israël - se sont rapprochés du régime syrien. "Depuis 2011, les responsables israéliens ont exprimé leur soulagement que le plateau du Golan ait agi comme une sorte de tampon pour le conflit en Syrie, dont le président Bachar al-Assad est soutenu par l’Iran", indiquait ainsi le New York Times en 2019.
Très récemment, le plateau du Golan a ainsi été un outil d’influence pour le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. Alors que son annexion n’était reconnue par aucun membre de la communauté internationale, l’administration de Donald Trump avait annoncé en 2019 le considérer à présent comme territoire israélien. "Une décision dramatique" qui avait alors "renforcé les espoirs de réélection de Benyamin Netanyahou", analysait alors dans un article annonciateur le quotidien britannique The Guardian.
After 52 years it is time for the United States to fully recognize Israel’s Sovereignty over the Golan Heights, which is of critical strategic and security importance to the State of Israel and Regional Stability!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) March 21, 2019
Aujourd’hui, la zone se retrouve plus que jamais au cœur d’un conflit, régional cette fois. Car depuis la nouvelle flambée de la guerre israélo-palestinienne en octobre 2023, le Hezbollah, allié du Hamas, a tiré à plusieurs reprises vers le Golan, dont la population n’a pas été évacuée par Israël. Des frappes exemptes de victimes, jusqu’au bombardement de ce samedi 27 juillet.
Une étape inquiétante, dont le "risque d’escalade et de déstabilisation" inquiète Londres ou Berlin, qui ont appelé le Hezbollah à cesser ses attaques. Tout comme la France, qui a demandé ce dimanche 28 juillet "à ce que tout soit fait pour éviter une nouvelle escalade militaire et continuera d’agir auprès des parties à cette fin".
"Nous soutenons le droit d’Israël à défendre ses citoyens contre les attaques terroristes", a quant à lui affirmé le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, quelques heures après la promesse du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou de répondre à cette attaque en faisant "payer le prix fort" au Hezbollah libanais. Une menace aussitôt appuyée par l’Iran, qui met en garde contre les "conséquences imprévisibles" en cas de d’une attaque de représailles israélienne contre le Liban.