C’est une vidéo qui a beaucoup circulé. On y voit un supposé militant du Hamas, le visage dissimulé par un keffieh et arborant un drapeau palestinien sur la poitrine, menaçant en arabe la France sur la période des Jeux olympiques. Il accuse Paris de soutenir Israël, avant de brandir ce qui ressemble à une tête de Marianne, figure symbolique de la République française, coiffée d’un bonnet phrygien, décapitée et sanglante.
Cette vidéo a été relayée par de très nombreuses personnes sur les réseaux sociaux, dont plusieurs personnalités politiques d’extrême droite en France, comme le polémiste Jean Messiah ou le député RN Julien Odoul. Sauf que cette vidéo a tout d’un faux, relayé par des réseaux pro-Russes.
Alors que la cérémonie d’ouverture sur la Seine marque officiellement, ce vendredi 26 juillet, le début de ces Jeux olympiques, les campagnes de désinformation se sont nettement multipliées ces derniers jours. La start-up américaine Newsguard, spécialisée dans la lutte contre la désinformation, a lancé le "Centre de suivi de la mésinformation sur les Jeux olympiques 2024 de Paris", afin de recenser ces opérations. "Depuis plusieurs mois, un flot de fausses affirmations sur cet événement sportif international à forte visibilité se répand sur les réseaux sociaux et sur des sites d’informations peu fiables", expliquent-ils sur leur site. Au 25 juillet, ces derniers assurent avoir identifié "15 récits faux liés au Jeux olympiques 2024 de Paris en 15 langues […]. Ces affirmations ont été propagées sur les réseaux sociaux ainsi que sur 37 sites d’information et d’actualité peu fiables".
Au cœur de ces campagnes de désinformation, on retrouve sans grande sans surprise… la Russie. "Dix-sept de ces 37 sites ont diffusé par le passé de la propagande pro-russe et de la désinformation, notamment 11 sites qui appartiennent au réseau Pravda, un ensemble de sites anonymes qui republie du contenu provenant de sources pro-Kremlin, et qui relaie fréquemment des informations fausses ou manifestement trompeuses", explique Newsguard. "Bannie des Jeux olympiques d’été qui étaient autrefois une obsession nationale, la Russie a préparé sa réponse : une vague de désinformation et des menaces de cyberattaques", affirme de son côté le Financial Times.
Cette vidéo de la supposée menace terroriste du Hamas sur ces JO a été démentie par Gabriel Attal lui-même. "Les premiers indices dont nous disposons nous permettent de dire que cette vidéo est faussement attribuée au Hamas. L’enquête et les investigations se poursuivent et l’enquête ne permet pas à ce stade de l’attribuer à tel ou tel Etat. Mais force est de constater qu’il s’agit manifestement d’une intervention étatique", a déclaré ce jeudi le Premier ministre.
Selon une source sécuritaire interrogée par l’AFP, "les premières analyses pointent vers une opération russe sous 'faux pavillon' en raison d’un faisceau d’indices" qui pointent vers une origine russe. Une analyse partagée par plusieurs experts. Dans le cas de cette vidéo, un des premiers comptes à l’avoir publié sur X, baptisé "endzionism24", suspendu depuis, a été créé en février mais est resté muet pendant plusieurs mois. Il s’est activé quelques jours avant la publication de la vidéo pour partager des contenus hostiles à Israël, un schéma typique de comptes inauthentiques.
Par ailleurs, ajoute la source sécuritaire auprès de l’AFP, "la vidéo a été repostée sur X par des comptes connus pour faire partie des réseaux russes et a été relayée par des sites africains connus pour être des points de sortie des Russes". Il y a par exemple "@aussiecossack", un influent compte pro-russe, relève sur X le chercheur David Colon, spécialiste des sujets d’ingérence étrangère, qui voit aussi une manipulation russe derrière cette vidéo.
Une autre source sécuritaire souligne en outre que sur la vidéo, "les codes visuels de la propagande du Hamas sont absents", et l’homme qui s’exprime fait des fautes de prononciation et de grammaire, d’après un journaliste arabophone de l’AFP. Selon le site d’analyse de la menace djihadiste Site, un haut responsable du Hamas, Izzat al-Rishq, a qualifié la vidéo "de montage de la propagande sioniste".
Si cette vidéo fut la principale fake news relayée ces dernières semaines, la désinformation russe multiplie les campagnes contre les JO. Un récit a notamment été très relayé sur les réseaux sociaux : l’équipe australienne de cyclisme se serait fait voler tous ses vélos à Paris. Avec pour preuve un extrait vidéo où l’on voit la star du BMX, Logan Martin, montrant sa camionnette cambriolée. Si ce vol s’est bien déroulé, il a en réalité eu lieu ce mercredi… à Bruxelles, comme le rapporte cet article de la RTBF, le service public de l’information belge. Et les vélos n’ont pas été dérobés, puisqu’ils n’étaient pas dans le véhicule, contrairement à plusieurs effets personnels du sportif. "Cet exemple montre comment les désinformateurs du Kremlin exploitent de manière opportuniste tout fait d’actualité susceptible de servir de faux récits discréditant les JO", assure le chercheur David Colon sur son compte X.
La start-up américaine Newsguard relève d’autres exemples de désinformation relayés sur les réseaux sociaux : une vidéo montrant un employé de Paris ajoutant du colorant bleu dans la Seine pour la faire paraître plus propre, la CIA qui aurait émis un avertissement déconseillant l’utilisation du métro pendant les JO en raison de fortes menaces terroristes… Tout un récit visant à dénigrer l’organisation des Jeux, dont la Russie a été exclue.
L’organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères, Viginum, assure d’ailleurs dans un communiqué publié ce jeudi avoir déjà "identifié plusieurs manœuvres informationnelles impliquant des acteurs étrangers et diffusant des contenus hostiles à l’organisation des JOP24 à fin d’atteinte réputationnelle". Pas de doutes que toute la période des Jeux devrait être marquée par un important flot de désinformation. Ce n'est que le début.