Le sélectionneur de l’équipe de France olympique, dont le nom et le pedigree suscitent des attentes hors normes, porte sur ses épaules la pression de 40 ans sans médaille pour le football tricolore.
Sa carrière fut tellement riche que cet épisode est tombé dans l’oubli. En novembre 1999, Thierry Henry, tout frais champion du monde avec les grands, « redescend » en équipe de France olympique, dirigée alors par Raymond Domenech, pour disputer un barrage de qualification aux Jeux de Sydney contre l’Italie.
Suspendu à l’aller à Créteil (1-1), le nouvel attaquant d’Arsenal frappe dès la 2e minute au match retour, à Tarente. Mais ce sont finalement les Azzuri qui compostent leur billet pour l’Australie grâce à un coup franc d’Andrea Pirlo en prolongation (2-1).
Un quart de siècle plus tard, « Titi », en grand passionné de sport, va enfin honorer son rendez-vous olympique, cette fois en qualité d’entraîneur. « Ça ne comblera jamais ce manque (de les jouer), mais l’opportunité d’y participer, c’est extraordinaire », a-t-il convenu dans une interview à Eurosport.fr, en juin dernier. « C’est en France, et cela fait longtemps qu’on ne les a pas gagnés. »
« Aura hallucinante »Le titre décroché à Los Angeles, en 1984, constitue l’un des premiers souvenirs footballistiques pour celui qui, à sept ans, se levait la nuit pour suivre à la télé les exploits de la bande à Henri Michel. Les fondations de la culture sportive du futur meilleur buteur de l’équipe de France (dépassé depuis par Olivier Giroud).
« Il adore le foot, depuis tout jeune », se souvient Bruno Irles, son ancien coéquipier à Monaco. « Lui était plus jeune que moi, mais comme il était surclassé, on a fait nos premiers matchs pros ensemble, nos sélections en Espoirs aussi. À 16 ou 17 ans, il suivait tout, les championnats français ou étrangers… Quand on évoluait en réserve, il savait même le nom des joueurs d’en face. Pour moi, c’était un extraterrestre », sourit l’ex-coach de Troyes en L1.
« Thierry pense foot 95 % du temps. Il vit, mange, dort en pensant football. Son niveau d’exigence est à la hauteur de sa passion », abonde Thibault Le Rol, comparse durant deux saisons sur Prime Video d’Henry, qui exerce en tant que consultant.
« Ce rôle lui a permis de se reconnecter au football français, lui qui vit à Londres, et au métier d’entraîneur », précise le journaliste, marqué par la bienveillance du champion – « quand ma mère a été malade, il m’a envoyé tous les jours, pendant plusieurs semaines, des SMS pour savoir comment elle allait, c’était fou » –, la préservation de son jardin secret – « sa vie privée en Angleterre » – et une « aura hallucinante ».
« Le respect dans les regards, les étoiles dans les yeux des joueurs et des coachs qui venaient échanger avec lui, c’était frappant », retient Thibault Le Rol. « Qui mieux que Thierry Henry pour mener ces jeunes ? », avait noté, pour Stade 2 Gaël Clichy, l’un de ses adjoints auprès des Bleuets.
Il génère de l’attente« De par sa carrière, il dégage quelque chose, comme un Zidane ou un Deschamps. Ça facilite la transmission du message auprès des joueurs, insiste Bruno Irles.
Dans la tête des U23, il demeure l’ancien buteur des Bleus, celui dont la statue trône devant le stade d’Arsenal.
Là où pour d’autres, la crédibilité passera par les résultats, lui a la passion, le palmarès et le charisme. Il inspire le respect même sans avoir prouvé ce qu’il sait faire et malgré, aux yeux du public, une image parfois clivante qui ne colle pas à sa personnalité ».
Car la carrière de l’entraîneur Thierry Henry peine à décoller. Il n’est resté en poste que cinq mois à Monaco, entre octobre 2018 et janvier 2019. Et quinze, entrecoupés par la pandémie de Covid, à l’Impact de Montréal, sans dépasser les huitièmes de finale de la Major Soccer League.
« À Monaco, il a eu beaucoup de blessés, sa méthode n’a pas pris de suite. Et dirigeants, supporters, médias n’ont pas été assez patients. Cette expérience lui a fait du mal », juge Bruno Irles, qui avait pu, durant sa formation, observer les entraînements de Pep Guardiola au Barça grâce à l’entremise de son ancien coéquipier.
« Il y a de l’attente autour de lui, et s’il ne fait pas de podium aux JO, on lui tombera dessus, sans prendre en compte le fait que les clubs n’ont pas libéré les joueurs, qu’il a eu un an pour constituer un groupe et un gros mois pour bâtir son équipe », annonce le technicien.
Si Thierry Henry met fin, à l’inverse, à 40 ans de disette olympique, le succès sera le sien et relancera l’appétit de celui qui, l’été dernier encore, se disait, selon Thibault Le Rol, « en manque de banc et de terrain ».
Sébastien Devaur
Bio express
17 août 1977Naissance aux Ulis (Essonne).31 août 1994Premier match avec les pros de l’AS Monaco. De la Principauté au New York Red Bulls, en passant par la Juventus Turin, Arsenal et le FC Barcelone, il dispute, en vingt ans de carrière, 794 rencontres de championnat (362 buts).11 octobre 1997Première de ses 123 sélections en équipe de France. Deuxième meilleur réalisateur de l’histoire (51 buts), il est le seul joueur de champ tricolore à avoir disputé quatre Coupes du monde, dont celle remportée en 1998.21 août 2023Après des expériences d’entraîneur principal à Monaco et à Montréal, ou encore d’entraîneur adjoint de la sélection belge, il devient sélectionneur de l’équipe de France olympique.
