Complexes à mettre en place sur les plans technique et financier, les centrales géothermiques ne représentent qu’une part infime de la production d’électricité dans le monde. L’émergence de systèmes de nouvelle génération pourrait néanmoins rebattre les cartes selon différentes études, dont celle de Global Sovereign Advisory (GSA).
Pour diviser par deux les émissions de carbone par rapport aux précédentes éditions, les Jeux olympiques de Paris 2024 ont notamment misé sur une énergie renouvelable encore confidentielle. Depuis décembre 2023, la centrale géothermique de Saint-Denis (93) alimente en électricité le village des athlètes, la ZAC voisine et la tour Pleyel, transformée en hôtel. Cette installation, connectée à 11 puits géothermiques connectés à trois thermo-frigo pompes, exploite une source d’énergie inépuisable : celle issue des réservoirs d’eau chaude enfermés dans la croûte terrestre.
Au total, ce projet aura coûté 23 millions d’euros (M EUR), un investissement conséquent porté par Engie, le Syndicat mixte des réseaux d’énergie calorifique et la Région Ile-de-France.
Sur ce segment encore confidentiel (24 pays seulement sont dotés de centrales géothermiques qui fournissent 0,32 % de la production mondiale d’électricité), le financement est clairement un frein, souligne une récente étude de Global Sovereign Advisory (GSA). Les campagnes d’exploration qui permettent de localiser cette ressource souterraine à proximité immédiate de failles géologiques sont particulièrement coûteuses et financièrement risquées. Ce qui explique que la croissance de l’électricité ainsi produite se limite à 3 % par an sur les 20 dernières années.
Cette difficulté de financement des phases exploratoires a d’ailleurs conduit certains bailleurs multilatéraux à lancer des programmes spécifiques comme la Banque mondiale et son Global Geothermal Development Plan (235 M USD entre 2013 et 2020). Les agences d’aide publique au développement comme USAID et l’Agence française de développement (Afd) sont également mobilisées. En outre, les États-Unis, l’Allemagne et des pays émergents comme Djibouti ou Sainte-Lucie ont fait le choix de dérisquer la phase d’exploration et de faire porter au Trésor public « le poids de l’incertitude ».
Cependant, cet obstacle n’a pas empêché certains pays de développer l’électricité d’origine géothermique. C’est le cas des États-Unis, premier producteur au monde, même si sa croissance stagne aujourd’hui, devant l’Indonésie, les Philippines et la Turquie. Au total, estime GSA, 4,5 GW de capacité supplémentaire pourraient sortir de terre dans les sept prochaines années, une augmentation de 30 %, soit plus que la croissance annuelle habituellement constatée. Le cabinet Fitch solutions table quant à lui sur une augmentation de 8 GW dont 2,9 GW en Indonésie.
Dans ce dernier pays disposant du plus fort potentiel au monde et qui talonne les États-Unis, les investissements se font rares et ont poussé le gouvernement indonésien à prendre en charge les opérations de forage exploratoires ainsi qu’à prendre des mesures simplifiant les démarches administratives et allégeant certains frais. La Banque mondiale et la Banque asiatique de développement ont lancé une facilité de paiement et une aide. Début 2024, DFC (US International Development Finance Corporation) a accordé un prête de 126 M USD pour le projet de centrale d’Ijen.
Autre pays ayant parié sur la géothermie, le Kenya produit aujourd’hui la moitié de son électricité grâce à cette ressource, grâce à une politique publique volontariste qui montre désormais ses limites. Les producteurs privés indépendants (PPI), malgré des mesures incitatives n’y ont pas fait florès. La situation pourrait évoluer dans les prochains mois, selon GSA, avec l’arrivée d’investisseurs comme le groupe émirati Nasdar et l’indonésien Pertamina Gothermal Energy.
A l’inverse, en Turquie, les centrales géothermiques sont essentiellement opérées par des groupes privés (Zorlu Enerji, Türkeler, Mogan Enerji…). Pour autant, la part de la géothermie dans le mix énergétique turc demeure marginale avec 3,2 % en 2022.
Mais l’évolution des méthodes de forage pourraient bien changer la donne. Ainsi des EGS (Enhanced Geothermal Systems) qui consistent à injecter de l’eau froide de surface et/ou des dissolvants chimiques pour amplifier des failles et atteindre des réservoirs. « La géothermie EGS bénéficie aujourd’hui des dernières innovations technologies de l’industrie pétrolière et gazière : forages horizontaux, reconnaissance par fibre optique, etc. », affirme l’étude.
Autre avancée technologique, les systèmes de géothermie en circuit fermé, dits AGS (Advanced Geothermal Systems) utilisent des forages horizontaux, où un fluide circule, « en circuit fermé, au coeur du gisement, où il capte l’énergie thermique de la roche avant de remonter à la surface ». Avantage : il n’est pas nécessaire d’identifier un réservoir à l’avance et la méthode peut être utilisée loin des zones sismiques.
États-Unis, Afrique, Asie…Et l’Europe ? Le Vieux continent est doté de centrales d’ancienne génération, dites à cycle binaire, au fonctionnement plus complexe et qui exploitent des sources à plus basse température. Plus coûteuses, n’excédant pas quelques dizaines de MW de puissance, elles ont néanmoins l’avantage de permettre l’exploitation de gisements insuffisamment chauds pour produire de la vapeur. « L’amélioration progressive de la technologie, ainsi qu’une connaissance plus fine du potentiel géothermique du sous-sol, pourraient aussi susciter une adoption plus généralisée de cette technologie », avance GSA. Et permettre aux pays européens d’atteindre leurs objectifs de décarbonation.
En janvier dernier, le Parlement européen a adopté une résolution soutenant l’idée de définir une stratégie européenne pour accélérer le déploiement et les investissements dans l’énergie géothermique. Cette dernière était également au programme des ministres de l’Energie de l’UE réunis de manière informelle à Budapest les 15 et 16 juillet derniers. L’Allemagne, la Pologne, l’Autriche, l’Irlande, la Croatie et la France ont déjà établi des feuilles de route. Quant à la Hongrie, qui occupe la présidence tournante du Conseil de l’UE, elle a inauguré en mai 2023 à Szeged un système de chauffage alimentant 28 000 foyers et 400 bâtiments publics.
Sophie Creusillet
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