La Suède, le Danemark, la Norvège, la Finlande font partie des pays que je ne connais qu’à travers le cinéma, ce qui fait que je les confonds un peu. Les courses de trotteurs ne m’ont pas aidé à les distinguer, l’ensemble des hippodromes de la planète n’ayant de patrie que celle du Cheval, qui n’a pas de frontière, les turfistes étant avant tout des citoyens du monde des courses. Je n’ai donc pas vu grand-chose de la Suède le jour de la victoire de Mister JP, à Jägersro, l’hippodrome de Malmö, pas non plus reconnu les films de Bergman dans l’ambiance de kermesse qui régnait ce jour-là au pesage, et le soir, lors de la vente des yearlings, les propriétaires enchérisseurs n’avaient rien à voir avec les bourgeois pervers des films de Lars von Trier ou de Thomas Vinterberg. Ils sont pourtant formidables, les gens des courses, mais ils n’impriment pas, au cinéma. Insaisissables, ils ne ressemblent qu’à eux-mêmes.
Johanna Pyykkö, la réalisatrice de Mon parfait inconnu, a tout juste 40 ans, elle est née en Finlande, a grandi en Suède et vit actuellement en Norvège. Elle fut l’assistante de Joachim Trier, le réalisateur norvégien, né au Danemark, à qui on doit Thelma, un film suédo-dano-franco-norvégien.
Mon parfait inconnu est le premier long-métrage de Johanna Pyykkö. C’est une parabole du rapport difficile que la Scandinavie entretient avec le reste du monde, me suis-je dit en sortant, ou alors c’est une leçon d’altruisme à l’adresse de l’Occident cupide, xénophobe, riche et non violent par confort plus que par éthique. En effet, le parfait inconnu du film de Pyykkö gît sans connaissance sur le pavé humide du port d’Oslo quand il est découvert par Ebba (Camilla Godo Krohn), une jeune fille de 18 ans, qui sort de son boulot au milieu de la nuit. Elle s’approche de lui, elle le croit mort et elle le trouve beau, ou inversement, elle le trouve beau et elle le croit mort, avant de se rendre compte qu’il respire. Son premier réflexe est alors d’appeler les urgences, car il est blessé à la tête : "Venez tout de suite !"
Elle donne l’adresse. Puis elle essaie de le ranimer, lui parle, il ouvre les yeux, elle le trouve encore plus beau… Alors elle rappelle les urgences : "Non, ça va aller, je m’en occupe." Ça les arrange, à l’autre bout du fil. Elle demande au parfait inconnu comment il s’appelle, s’il a mal quelque part, s’il peut se lever, il ne répond pas parce qu’il ne sait plus comment il s’appelle, ce qu’il fait là, ni ce qui s’est passé. Elle est amoureuse, ça y est. Elle l’emmène dans la maison de grand luxe qu’elle garde en l’absence des propriétaires en vacances. Elle le soigne. Ebba n’est pas vilaine, elle pourrait même être belle si elle y mettait du sien. Elle n’est pas comme ça. Elle a un problème avec l’amour, c’est compliqué pour elle de rencontrer des garçons. Celui-là est parfait, docile, un vrai baigneur. En le déshabillant, elle a trouvé dans la poche de son pantalon une clef qui doit être la clef de sa voiture. Grâce au bip du verrouillage à distance, elle trouve la voiture sur le parking du port, et à l’intérieur de la voiture, si je me souviens bien, il y a les papiers d’identité de celui qui n’est plus un inconnu que pour lui-même. A son réveil, quand il lui demande qui elle est, Ebba lui explique qu’elle est sa petite amie, depuis trois mois. "Et moi, il demande, comment je m’appelle ?" Sur les papiers qu’elle a trouvés, il s’appelle Ivaylo, il est bulgare, mais elle cache ses papiers et le baptise Julian.
C’est intéressant comme histoire d’amour. Mais voilà qu’elle veut entraîner son Julian dans la piscine. Et ils découvrent qu’il a peur de l’eau, comme s’il ne savait pas nager. Est-il possible qu’il ait oublié ? Il n’a pas oublié la marche, la parole. Comment pouvait-elle ignorer que son petit ami ne savait pas nager ? Le doute est semé dans l’esprit de Julian. De son côté, Ebba découvre que son inconnu n’est pas aussi parfait qu’il en avait l’air. A partir de là, les choses se compliquent.